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A bientôt Edgar

Publié le : 01 octobre 2007 à 21:13 par Elena
Catégorie : Nouvelles / Essais

Mon petit Edgar,



En te lisant, je me suis rendu compte combien du haut de tes dix ans, tu es déjà un sacré bonhomme. Ta maman peut être fière de toi et de l'éducation qu'elle te donne car je suis certain qu'en t'élévant comme elle le fait, elle fera de toi plus tard, un homme bien. J'imagine qu'à ton âge, cela ne veut pas encore dire grand-chose mais crois-moi, c'est important. Fais-moi confiance, tu comprendras dans quelques années.

J'ai beaucoup réfléchi avant de t'écrire ce qui va suivre et j'espère que tu ne m'en voudras pas trop mais je pense qu'il faut que je le fasse.


Tout d'abord, tu dois savoir que cette lettre est la dernière, il n'y en aura plus d'autre mais je ne veux pas que tu sois triste. Si j'ai pris cette décision, c'est parce que je crois que c'est le meilleur service que je puisse vous rendre à toi et ta grand-mère car je ne veux pas qu'à cause de moi, vous ayez des ennuis. Depuis le jour où j'ai réapparu, je vous oblige tous les deux à mentir et il faut que cela s'arrête. Tu connais ton grand-père, curieux comme il est, il va finir par avoir des soupçons et je sais que s'il découvre la vérité sur ces courriers que nous échangeons par l'intermédiaire de ta grand-mère, il sera furieux. Je ne lui en veux pas d'ailleurs, il cherche à te protéger parce qu'il t'aime. Depuis ta naissance, il a veillé sur toi et je le respecte pour ça. N'oublie pas, il est et il restera le seul homme sur qui tu pourras toujours compter. Même s'il se montre parfois un peu dur avec toi, c'est pour ton bien.

Pour toi aussi, la situation risque de devenir trop compliquée par rapport à ta maman car même si tu m'as expliqué que tu avais déchiré chacune de mes lettres pour qu'elle ne les trouve pas, je n'ai plus envie que tu lui caches des choses à cause de moi. Je me rends compte aujourd'hui combien j'ai été égoïste et j'ai eu tort. J'étais tellement heureux de pouvoir rentrer en contact avec toi que je n'ai pas pensé aux conséquences que cela aurait sur ta vie. Depuis des mois, je t'oblige à garder ce secret. Toi tu le prends comme un jeu parce que tu es encore plein d'innocence mais moi qui suis un adulte, je n'aurais pas dû t'entraîner là-dedans. Sans en avoir conscience, je t'ai montré le mauvais exemple. Je le regrette sincèrement mais ça te prouve que même les grands, parfois, font des bêtises. Je sais que ce n'est pas une excuse mais c'est ainsi.


Depuis le début, tu as cherché à savoir comment j'avais connu ta maman et tes grands-parents. Ta grand-mère m'a dit que tu l'avais beaucoup questionnée à ce sujet et si elle a refusé de te répondre, c'est parce que je lui avais demandé de ne pas le faire. J'estimais que c'était à moi de te raconter toute l'histoire mais je pensais qu'il était encore trop tôt pour ça, que vu ton âge, tu ne comprendrais pas.

Si j'ai changé d'avis, c'est parce que je sens bien que tout ça devient trop lourd pour toi et je ne veux surtout pas que ça te perturbe davantage. J'aurais aimé avoir le courage de te parler les yeux dans les yeux plutôt que par l'intermédiaire de cette feuille de papier mais c'est trop dur pour moi. Tu vois Edgar, un homme aussi parfois peut avoir peur, ça n'est pas réservé qu'aux enfants. Mets-toi ça dans un petit coin de ta tête et si plus tard, un jour, ça t'arrive, n'en aie pas honte. Au contraire, écoute cette peur, elle t'empêchera peut-être de faire de graves erreurs.

Maintenant, il est temps que je t'explique tout ce qu'il s'est passé avant que tu naisses car oui mon grand, j'ai connu ta maman bien avant qu'elle ne te mette au monde. En fait, nous étions presqu'encore des gamins quand nous nous sommes rencontrés. Elle avait quatorze ans et moi seize quand nous sommes tombés amoureux.

Au début, nous nous cachions pour nous voir parce que ton grand-père ne voulait pas que sa fille fréquente des garçons mais il l'a découvert et tu peux me croire, nous avons passé un sale quart d'heure. Déjà à cette époque, il n'était pas du genre commode mais avec le recul, je me dis qu'il avait raison d'agir ainsi car je n'étais pas très fréquentable. J'avais fait pas mal de bêtises, rien de très méchant mais assez pour qu'il s'inquiète de me voir sortir avec ta maman. Il lui a fallu près d'un an pour qu'il accepte de me recevoir chez lui et pendant cette période, je peux te garantir que je me suis tenu à carreau et que je n'ai plus eu maille à partir avec la police.


Là où les problèmes ont commencé, c'est quand j'ai quitté l'école. J'étais vraiment un cancre, je m'y ennuyais ferme. Bref, j'ai eu l'imbécilité de croire qu'à dix-sept ans, sans diplôme, j'allais trouver un boulot comme ça du jour au lendemain. Ton grand-pére a été furieux quand il l'a appris mais je n'ai pas voulu l'écouter. Ca a été la plus grosse ânerie que j'ai pu faire car bien sûr, personne ne m'a embauché.

Je ne m'entendais déjà pas très bien avec mes parents à cette époque là et les choses ont empiré quand mon père a été mis au courant de la situation. Il m'a fichu dehors de la maison parce qu'il ne voulait plus entretenir son bon à rien de fils comme il disait toujours.

A la rue, sans argent, il a fallu que je me débrouille. Je crois que j'étais surtout dépassé par tout ce qui arrivait mais au lieu de demander de l'aide, j'ai préféré me la jouer petit caïd qui n'a peur de rien. Ne suis pas mon exemple Edgar, en me comportant comme ça, j'ai été le pire des crétins. Même si l'école, ce n'est pas toujours drôle, tu dois absolument faire des études. Il n'y a que comme ça que tu t'en sortiras dans la vie. Je sais que je suis mal placé pour te donner des conseils mais ne fais pas comme moi, bats-toi pour réussir.

Tu n'imagines pas le nombre de fois où j'ai pu regretter d'avoir été aussi stupide et d'avoir fait de si mauvais choix. Sans doute que si je m'étais montré plus responsable, je n'aurais pas enchaîné toutes les conneries (je t'interdis de répéter ce mot) que j'ai faites par la suite mais hélas, il est trop tard pour refaire l'histoire.

Pour me faire de l'argent, j'ai recommencé à traîner avec des types un peu louches et à faire des petits trafics de pièces de voitures volées. Ca n'a rien de glorieux, je n'en suis pas fier mais pendant un certain temps, ça m'a permis de survivre.

Ta mère, elle, continuait à aller au lycée. C'était une bonne élève, tu sais. Elle avait les félicitations de tous ses professeurs mais sans savoir pourquoi, ses notes ont chuté. Elle pleurait souvent, semblait malheureuse, je ne la reconnaissais plus. J'étais inquiet pour elle et tes grands-parents encore plus.

Puis un jour, elle a fini par m'avouer la vérité. Elle était enceinte, enceinte de toi mon grand. Intelligent comme tu es, tu avais tout deviné depuis le début mais je vais te dire Edgar, je n'oublierai jamais ce moment. Bien sûr, on était que des gosses mais j'ai été fou de joie quand elle m'a annoncé cette nouvelle. J'allais être papa, c'était la plus belle des choses qui pouvait m'arriver. Ta maman était inquiète, elle craignait la réaction de tes grands-parents et surtout celle de ton grand-père mais j'ai réussi à la convaincre de ne pas leur en parler tout de suite. Avant de le faire, je voulais leur prouver que j'étais capable de t'élever et pour ça, il me fallait trouver de l'argent. Une fois ça fait, tout serait plus simple. On aurait un appartement bien à nous, ta maman arrêterait ses études quelques mois, le temps de te mettre au monde, et ensuite retournerait au lycée pendant que moi, je m'occuperais de toi. On avait tout prévu, on en a passé des heures à parler de la belle vie que l'on aurait tous les trois. Ca paraissait si facile dans nos rêves mais on était naïf, si naïf, de croire que c'était réalisable car oui Edgar, on a attendu ton arrivée avec impatience mais rien ne s'est déroulé comme on l'espérait.


Ce qui va suivre risque de te choquer mais je veux que tu comprennes que ce n'est pas comme dans les films, que c'est vraiment arrivé et que j'en ai profondément honte. Il y a des détails que je ne te donnerai pas car je n'oublie pas que tu n'as que dix ans et qu'il y a des choses qu'à ton âge, on ne peut pas entendre mais je tiens quand même à ce que tu saches pourquoi je n'étais pas là le jour de ta naissance, pourquoi j'ai été absent de ta vie durant toutes ces années.

J'étais en prison Edgar, je le méritais. J'ai fait quelque chose de mal, de très mal. Rassure-toi, je n'ai tué personne mais des gens que je fréquentais, l'ont fait et j'étais présent quand ça s'est produit. J'ai été embarqué dans une sale affaire qui s'est terminée tragiquement. Je te jure que j'aurais voulu que tout ça se passe autrement mais il arrive toujours un moment où dans la vie, il faut payer pour les erreurs que l'on commet. Ca m'a coûté cher puisqu'en allant en prison, je vous ai perdus toi et ta maman mais je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je suis le seul fautif.

Peut-être que maintenant, tu comprendras mieux pourquoi ton grand-père et ta maman ne se parlent plus beaucoup car tu sais, ils ont vécu des choses difficiles tous les deux. Il a fallu que ton grand-père soit courageux quand il a découvert que ta maman était enceinte de toi alors qu'elle n'était encore presqu'une enfant mais qu'en plus, ce bébé à venir allait avoir un père en prison. Il a géré tout ça du mieux qu'il pouvait mais si tu es le petit garçon exceptionnel que tu es aujourd'hui, il y est pour beaucoup.

Pour ta maman, c'est pareil. Elle se bat pour toi, pour que tu aies la meilleure vie possible. C'est quelqu'un d'extraordinaire qui n'aurait pas dû tomber sur le gars sans cervelle que j'étais à l'époque et j'espère vraiment qu'un jour enfin, elle aura ce bonheur auquel elle a droit et que je n'ai pas pu lui donner. Tu dois savoir aussi qu'elle est au courant pour cette lettre car je ne t'aurais jamais écrit tout ça sans son accord. Ca a été compliqué mais j'ai réussi à la convaincre d'accepter que je te raconte notre histoire à elle et moi pour que tu puisses continuer à grandir en sachant que oui Edgar, tu as un père qui t'aime mais qu'il n'est pas comme les autres et que tu as le droit de ne pas en vouloir de ce papa là.

Je ne pourrai jamais effacer mon passé, il fait partie de moi mais je suis un autre homme à présent et peut-être qu'un jour, tu auras envie de me connaître et que je te présente ton arrière grand-père. C'est de lui que viennent nos yeux bleus et nos cheveux blonds.



A bientôt mon fils



Papa

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Rédiger un commentaire sur ce texte Votre avis sur ce texte … (6 commentaires)
Avatar de Valentin

Valentin

Le 04 octobre 2007 à 20:38

Je retrouve avec plaisir les aventures d'Edgar mais du côté de son père cette fois-ci donc il n'y a plus le côté "léger" du premier texte mais c'est une bonne idée d'avoir choisi cet angle pour cette suite.

Forcément, c'est plus grave que le précédent mais tu t'es débrouillée pour qu'on ait quand même de la sympathie pour cet homme.
Père et fils se retrouveront-ils ?
Remonter au texte | #474

Avatar de Vagabonde

Vagabonde

Le 05 octobre 2007 à 18:53

Si j'ai bien compris, c'est l'épilogue à l'histoire d'Edgar mais on ne sait pas ce qu'il va advenir des rapports de ce petit garçon avec son père, tu nous laisses dans le flou là.
Valentin est dans le vrai, je trouve, quand il dit que ce père a quelque chose de touchant. Il se crée exactement le même phénomène d'empathie avec lui que celui que tu avais su faire naître avec Edgar, ça prouve que c'est réussi ! ;)
Remonter au texte | #482

Pas d'avatar

Agnès Chêne

Le 05 octobre 2007 à 19:33

Je suis contente de retrouver tes deux personnages,et surtout de pouvoir lire quelque part une forme d'honnêteté chez cet homme,c'est ce qui le rend touchant,humain malgrè un lourd parcours ;tu as su faire passer ce
sentiment d'humanité et puis il y a comme un espoir,un peu dans l'idée que rien n'est totalement perdu,même s'il faut du temps,j'aime beaucoup cette idée-là.Bravo,Eléna.Agnès
Remonter au texte | #483

Avatar de Constance

Constance

Le 06 octobre 2007 à 12:34

Alors comme ça, on n'entendra plus parler du petit Edgar ? Dommage, moi je l'aimais bien ce personnage ! :roll:
Remonter au texte | #488

Avatar de Sept

Sept

Le 07 octobre 2007 à 17:57

Le retour d'Edgar !
Les personnages sont touchants, chacun à leur manière, Edgar pour son coté enfantin, le père pour son histoire. Un thème classique de nos jours, un fait divers même, mais l'idée de présenter les personnages sous différents angles, différents points de vue et bien trouvée. Le tout est bien écrit.

Par contre je ne suis pas d'accord ! Impensable que ce soit la fin ; il reste maman, papy, ... !

Allez, allez ... peut-être que maman n'est pas si fachée, peut-être que ...
Remonter au texte | #490

Avatar de Elena

Elena

Le 10 octobre 2007 à 19:48

Non Sept, je crois que cette fois-ci, Edgar va retourner dans l'anonymat et pas question non plus de produits dérivés ! ;)
J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ces deux nouvelles mais il est temps pour moi de passer à autre chose.

Remonter au texte | #496


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