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Convergences 1/3

Publié le : 03 juin 2008 à 19:55 par Corentin (Site web lien externe)
Catégorie : Nouvelles / Essais

A une vitesse vertigineuse, l’objet sphérique de la taille d’un ballon de football dérivant dans l’espace commença à pénétrer les couches de l’atmosphère terrestre. Très vite, à cause des frottements, il fut porté au rouge puis à l’orangé avant de virer au blanc. Sa vitesse ralentit lentement, après avoir chuté jusqu’à une quinzaine de kilomètres d’altitude, il filait déjà à travers les nuages malmenés qu’il laissa lacérés derrière lui. Il fila au-dessus de l’agglomération de Los Sontos, petite ville mexicaine perdue aux abords de la frontière américaine. A plusieurs centaines de kilomètres heures, il s’apprêta à percuter les dunes lorsque brusquement, il gonfla et vit son volume devenir gigantesque, de la taille d’un camion. L’objet percuta un affleurement rocheux en se déformant considérablement, faisant un bruit étrange de fluide visqueux giclant, s’étalant comme de la mousse sur plusieurs dizaines de mètres avant de s’arrêter contre un gros rocher rougeâtre.


Angel avait vu un étrange objet étincelant passer au-dessus de lui à toute vitesse alors qu’il sirotait seul sa tequila devant sa caravane miteuse échouée sur un ancien parking abandonné. L’objet émettait un sifflement intense, semblable à celui d’un jet de vapeur. Intrigué, Angel hésita longuement avant de prendre son pick-up défoncé et de suivre la direction de l’objet lumineux entraperçu un instant plus tôt. Il n’avait pas l’air très haut et, s’il n’était pas le simple fruit de son imagination dopée aux vapeurs d’alcool, il ne s’était sans doute pas écrasé très loin. Il devrait assez facilement le retrouver. Il avait déjà entendu des histoires d’ovni, mais il n’en avait jamais vu de lui-même. Etait-ce ça un ovni ? Un truc lumineux fonçant s’écraser dans le désert ? L’objet était en tout cas assez imposant, de la taille d’une petite maison. Angel suivait la piste imaginaire qu’il s’était tracée, et à la lueur de ses phares poussifs, scrutait intensément l’obscurité du regard, à la recherche d’un impact fumant. Le pick-up cahotait sur la terre aride et dure comme de la roche, parfois traversée par une dune de sable nonchalante. Cela faisait maintenant près d’une heure qu’Angel fonçait à travers le désert, sans succès. Il n’avait aperçu ni impact proche, ni lueur lointaine signe d’un crash enflammé. L’objet ne devait pas exister, ou tout au moins il l’avait sûrement manqué. S’il s’était réellement abîmé sur terre, il l’avait probablement fait quelque part derrière lui. Il avait du dépasser le site du crash. Peu convaincu, Angel fit demi-tour, fatigué. Ce n’est qu’au bout d’une bonne dizaine de minutes qu’il fut sorti de sa torpeur par une silhouette blanchâtre à quelques dizaines de mètres devant lui. Il ralentit, puis, s’estimant assez proche, s’arrêta. Angel mit pied à terre et fit quelques pas vers l’étrange amas finalement plus grisâtre que blanc. Il vit un étrange bloc d’une sorte de mousse polystyrène, encastré dans un lourd rocher. Le bloc semblait avoir longuement traîné sur la roche, laissant derrière lui une étrange coulée de mousse. Angel crut même un instant que c’était de la mousse à raser. Mais elle semblait fumer, très légèrement. Il prit un caillou et le lança sur le plus gros bloc de mousse déformée contre le rocher. Le caillou sembla s’y enfoncer mais fut stoppée en surface et resta ainsi, à moitié enfoncé. Intrigué, Angel s’approcha et toucha le caillou. Il ne bougeait pas. Il semblait maintenant prisonnier de cette coulée de mousse. Angel réitéra l’expérience et, de nouveau, la mousse apparut malléable à l’impact puis sembla se solidifier instantanément. Le tout continuait de fumer discrètement. Hésitant, il effleura la mousse d’un doigt. Dure. Comme du polystyrène. Il n’éprouvait aucune brûlure, aucune douleur au contact de la substance encore tiède et fumante de l’impact.

Angel était au téléphone avec un de ses amis de la brigade de police du coin. Le ton était monté d’un cran.

- Mais puisque je te dis que quelque chose est tombé du ciel, près de chez moi ! Un truc super bizarre !! Tu dois venir voir ça !!

- Tu me gonfles avec tes histoires ! J’entends bien à ta voix que tu as bu !! Et puis, si c’est pas un avion, c’est quoi ?!

- Euh, je sais pas, moi !! Un truc de l’armée américaine ? J’en sait rien, moi ! C’est bizarre, on dirait du polystyrène… et ça fume !! Tu dois venir voir ça !!

- Bon… Puisque tu insistes… Mais c’est bien paske c’est toi… J’arrive dans quelques minutes ! J’espère pour toi que tu te fous pas de moi, sinon…


Alex Proyas était en congrès à Genève. Un important rassemblement de scientifiques venus faire le point, huit mois après la mise en service du LHC – le Large Hadron Collider - le plus puissant accélérateur de particules au monde. Il s’agissait de faire le point sur les récentes découvertes en physique des particules, notamment concernant le boson de Higgs. Cette particule élémentaire, traquée depuis des années sans succès, devait être immédiatement révélée avec le LHC, beaucoup plus puissant que ses prédécesseurs. Il n’en était rien. La cavale n’était finalement pas prête de prendre fin. Tout le monde au congrès, ou presque, ne parlait que de ça. Alex avait préféré se retirer dans un coin à peu près tranquille. Il savait bien l’importance que cette découverte en devenir pouvait avoir. Mais à ses yeux, tous ces physiciens étaient névrosés, obsédés comme des flics courant après un tueur en série perpétrant les plus odieux crimes jamais recensés. Le boson de Higgs en question n’était pourtant qu’une particule fictive, en tous cas pour le moment, issue du pouvoir de prédiction des mathématiques. Elle était de la plus grande importance, la clé de voûte de l’édifice sur lequel toute la physique moderne était bâtie. C’est un des Graal de la physique. Si cette particule n’existe pas, tout est faux. Absolument tout. Nous ne serions alors qu’en possession d’un modèle extrêmement limité de notre réalité. On serait tous à côté de la plaque. Tous. Le boson de Higgs doit exister. Qu’il ne s’agisse pour l’instant que d’une prédiction mathématique ne doit pas effrayer. L’antimatière a été découverte dans les équations bien avant d’être observée. Les mathématiques sont d’une puissance inouïe sur le monde. Prédictions, explications, démonstrations, modélisations. Alex Proyas était tout autant obsédé par cette quête du boson de Higgs que tous ces physiciens mais il n’osait pas l’admettre. Il s’était peu à peu enfermé dans sa quête de compréhension de l’essence du monde par les mathématiques. Proyas avait même acquis l’intime conviction que l’origine du monde ne pouvait être que purement mathématique et ses travaux laissaient planer le doute dans les esprits de nombreux physiciens. Sa théorie ne laissait personne indifférent, tant ses démonstrations semblaient implacables. Mais le monde scientifique est ainsi fait que, sans confirmation expérimentale, sa théorie sur la Physique n’en restait que mathématique et n’était alors pas démontrée. Mais pour Proyas les mathématiques étaient tout. Sa théorie ne serait probablement jamais vérifiée expérimentalement. Proyas s’en fichait. Il savait qu’il avait raison. Il allait laisser ce congrès là où il en était. Il allait rentrer continuer ses travaux chez lui. En espérant que, demain, il se lèverait et apprendrait qu’on a enfin eu ce maudit boson.


Aucune de ces considérations physico-mathématiques n’atteignait le grand public. Proyas le savait. Et le déplorait. Si les gens, pensait-il, regardaient un peu plus les étoiles et se demandaient d’où venait le monde, pourquoi y avait-il quelque chose au lieu de rien, pourquoi l’être était-il jailli du néant, le monde serait privé de bon nombre de conflits. Proyas était froid et cynique, mais profondément pacifiste et écologiste. Les origines du monde le hantaient. Et il se sentait seul au monde à traquer cette vérité, fuyant les autres scientifiques. Il était terriblement asocial et se morfondait, seul, devant ses équations qui le laissaient chancelant devant l’abîme des origines du monde, évanescentes, insaisissables, impalpables. Beaucoup de très grands scientifiques étaient devenus fous, sombrant dans la folie la plus pure. Un jour, on trouverait. Lui, ou un autre. Et le monde entier, ces 6 milliards d’hommes mis devant l’évidence - forcément vertigineuse -, se regarderaient tous comme des frères, perdus au milieu d’un monde, immensément grand certes, mais tous des frères devenant soucieux de la paix et de leur fragile et unique environnement. C’était son désir le plus fou, il serait libéré de se peurs et de ses hantises et pourrait enfin être en paix avec ce monde qu’il voyait courir à sa perte, autodétruisant ses ressources et se déchirant en intolérance sous ses yeux. Mais ce que Proyas craignait plus que tout étaient les misérables capacités humaines, rendant notre intelligence sans doute bien en deçà des exigences de la réalité et des défis conceptuels de notre monde.


John Berry considérait avec une grande attention l’étrange spectacle qui lui était donné de voir sous le soleil implacable du désert mexicain. Il suait à grosses gouttes et il avait atrocement soif. Il demanda de l’eau et but une longue gorgée qui lui fit un bien fou. John Berry était inspecteur à la DGAC de Los Angeles, la Direction Générale de l’Aviation Civile. Il avait été contacté par les autorités mexicaines pour un cas de crash inexpliqué. Aucune machine ne manquait à l’appel dans cette zone hier soir, et l’objet tombé du ciel était plus petit que n’importe quel avion. De plus, les autorités mexicaines n’étaient pas connues pour leur grand sérieux, c’est pourquoi John était venu seul. On lui avait vaguement parlé d’un ovni, mais John ne croyait pas à ces histoires et il n’était là sur ordre de ses supérieurs que pour faire semblant de s’intéresser aux problèmes de leurs voisins mexicains. Mais à mesure qu’il observait silencieusement l’objet et sa traînée sur les rochers, il dû se rendre à l’évidence. Il y avait effectivement eu un crash ici. Un drôle de crash. La taille de la traînée, les giclures sur plusieurs centaines de mètres, parfaitement dans le sens supposé de l’impact, ne laissaient pas de doutes. Il n’y avait pas eu de machination. Ce truc était vraiment tombé du ciel. Mais il n’avait pas la moindre idée de ce que cela pouvait bien être. Rien ici ne lui faisait penser même à un quelconque ovni. Cette espèce de mousse l’intriguait énormément. Il se tourna vers les policiers et l’homme en civil qui avait découvert le crash.

- Jamais vu ça. Ce dont je suis sur, c’est qu’il ne peut s’agir d’une quelconque partie d’un avion de ligne ou même d’un avion de chasse.

- Mais alors ? C’est un ovni, n’est-ce pas ? s’enquit l’un des policiers.

- Ecoutez, c’est étrange, je dois le reconnaître. Mais il ne faut pas s’emballer. Il va falloir que je fasse venir une équipe. Surtout, pas de panique. Et ne touchez à rien.

- Si ça ne provient pas d’un avion, c’est quoi ?

- Je n’ai pas dit que ça ne provenait pas d’un avion, en tout cas ça ne provient pas de sa structure. Cet objet peut très bien venir d’une cargaison aérienne.

- Une cargaison ? Larguée ici ? Mais pourquoi ? Et puis ça allait bien trop vite pour être un avion ! Je l’ai vu passer au dessus de moi ! C’est un ovni !

- Même si cet objet est tombé depuis l’espace, ce dont je doute fort, c’est sans doute un satellite conçu de main humaine. Et puis, on ne s’en rend pas compte, mais un avion de ligne va vite, très vite : environ 1000 km/h. Vous n’êtes pas habitué à ces vitesses. Si cela provient d’un avion de chasse, il a pu être largué à quelques 2500 km/h. Non, vraiment, vous ne savez pas ce que c’est.


Le lendemain, une équipe de mesure et d’analyse était sur le site. Prétextant un éventuel risque de contamination en s’appuyant sur l’origine inconnue de l’objet, Berry avait aussi fait venir une équipe de décontamination qui s’était acquittée de toutes les mesures de radioactivité après avoir établi une enceinte de confinement autour du principal bloc accidenté et après avoir soigneusement retiré toutes les autres projections. Aucune radiation n’avait été détectée mais l’équipe restait sur les lieux. En tout, c’était pas moins de 30 personnes qui s’activaient sur les lieux du crash. Angel rôdait aux alentours de la tente aseptisée, persuadé qu’il s’agissait là d’un ovni et que ces hommes en combinaisons étaient venus en effacer toutes les traces. Il avait déjà ramassé en secret, la nuit dernière, une grande quantité de la traînée de mousse et avait plusieurs fois essayé de s’introduire à l’intérieur du laboratoire installé ici, mais il en avait été écarté. On lui avait dit que s’il continuait à entraver la bonne marche de l’enquête, il serait reconduit chez lui manu militari.


Dans le laboratoire d’analyse installé sous la tente aseptisée, Berry faisait les cents pas.

- Vous avez scanné l’intérieur ? demanda Berry. C’est juste de la mousse ?

- C’est bizarre. Nous ne voyons rien sur nos écrans. Pas même la mousse. D’après nos capteurs, il n’y a rien ici.

- Rien ? Comment ça, rien ? s’enquit Berry, décontenancé.

- Nos appareils sont sûrement détraqués ou pas assez sensibles, mais, de notre point de vue, il n’y a rien ici. Rien d’autres que ces rochers. C’est très bizarre.

- Mais vous la voyez, cette putain de mousse ?! s’emporta John.

- Oui, oui, nous la voyons tout autant que vous. Et, croyez moi, je suis bien le premier surpris par nos mesures.

- Creusez-moi tout ça. Taillez dans cette putain de mousse et voyez ce qu’il s’y trouve, ordonna Berry, à la fois inquiet et terriblement excité. Il n’avait jamais vu un truc pareil. De la mousse fantôme ?

Un homme en combinaison étanche réfrigérée s’approcha du gros bloc encastré dans le rocher et entreprit de le découper. Lentement, et sans énervement ni projection de matière pour éviter tout début de contamination, malgré le confinement de la zone, il enleva des blocs de mousse. Il taillait soigneusement vers le centre du bloc, lorsqu’il rencontra avec son instrument de coupe quelque chose de dur.

- Il y a quelque chose, là, dit l’homme d’une voix mécanique à travers son micro.

- Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? bondit Berry.

L’homme ne répondit pas. Il dégagea en quelques instants une étrange sphère de la taille d’un ballon de football qu’il brandit à deux mains devant toute l’équipe stupéfiée.

- Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est lourd. Très lourd, dit l’homme.

Il la posa délicatement sur une des tables de mesures. Très vite, un socle fut constitué. Tout le monde fixait la sphère, médusé. Elle était d’un jaune orangé faisant irrémédiablement penser à de l’or. La surface était étincelante et étrangement variable.

- C’est de l’or ? demanda Berry.

- Je ne sais pas, enchaîna Rodrigue, le responsable décontamination. C’est lourd, et ça en a l’air. Ca collerait. Mais regardez. La surface. Elle ondule, on dirait. Vous voyez ces formes géométriques ? Elles bougent…

John Berry restait là, le regard fixé sur la sphère. Oui. Ca bougeait. Il pouvait maintenant nettement voir des spirales en train de s’enrouler lentement sur la surface.

- On dirait des nuages. Je veux dire, comme un cyclone, des masses nuageuses en train de s’enrouler sur elles même, dit Berry, hypnotisé.

- Oui, ça y ressemble, dit un autre homme. C’est vraiment bizarre. Mais je jurerai que cette sphère est parfaite, sans le moindre défaut de planéité. Je ne crois pas que ce soit des motifs en relief.

- On en sait rien, coupa Rodrigue. Des variations infimes de quelques microns ne sont pas visibles à l’œil nu, et puis on n’a pas de matériel de mesure pour ça…

- Que faisons nous ici ? demanda soudain Michael, de la DGAC. Je veux dire, je sais pas pour vous, Berry, mais moi, je crois que je n’ai rien à voir avec tout ça. Ca n’est pas du ressort de la DGAC. Franchement, je crois qu’il faudrait contacter l’Armée, ou le Gouvernement. Au reste américain ou mexicain, je n’en sais rien. Mais je suis sûr d’une chose : ça ne vient pas d’un avion. Karl vient de refaire un scan. Ca ne donne rien. La spectrographie n’a rien donné non plus. Que le scan plante, ok. Mais jamais une spectrographie n’a donné de résultat nul. Ce truc n’existe pas, John.

Personne ne dit mot. Berry réfléchissait à toute vitesse. Il reprit la parole, pour ressouder l’équipe.

- On en sait rien. Ca peut provenir d’une cargaison aérienne. Perdue ou larguée, je n’en sais rien. Mais il n’y a pas d’autres possibilités.

- Si. C’est un ovni.

L’affirmation de Rodrigue résonna alors dans l’esprit de tous, presque comme une évidence. Une terrible évidence. Alors chacun sentit monter en lui les germes de la peur viscérale de l’extra-terrestre.


Alex Proyas fut brusquement tiré de son sommeil par le téléphone.

- Ici Proyas… C’est à quel sujet ? marmonna t-il.

- Bonjour, je me présente : Caroline Sanchez, chercheur en biologie, Paris XII. J’ai quelque chose qui peut vous intéresser.

- Savez-vous, mademoiselle, que je suis mathématicien ? dit-il avec une pointe de dédain mal réveillé.

Encore une erreur. Les sciences de la vie le passionnaient, mais ce n’était pas son domaine de recherche.

- Je le sais. Je connais bien vos travaux, disons… atypiques. Je pense que ça vous intéresserait.

La curiosité de Proyas fut piquée au vif.

- Atypique, maugréa t-il.

- Oui, vous savez… Cette espèce de pessimisme chronique… Votre passion pour les origines du monde… Votre façon de douter de vous même et de vous en remettre à autre chose. D’attendre une espèce de super événement.

- Ah ?! Et… ? C’est arrivé ? Ce… ‘super’ événement ?

- Je le crois, oui.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Je ne sais pas. Mais nous avons besoin de quelqu’un de votre trempe.

-… Vous ne… savez pas ? Mais alors de quoi parlez-vous ? dit-il, passablement irrité.

- C’est… étrange.

- J’en suis fort aise. Mais encore ?

- Vous devriez vraiment venir voir ça de vous-même.

- De quoi s’agit-il à la fin ?

- Franchement ?

- Franchement.

- Je n’en ai pas la moindre idée.


Une heure après, Proyas était dans le TGV, fonçant vers Paris. Cette Caroline Sanchez avait su éveiller sa curiosité sans trop en dire. De quoi pouvait-il bien s’agir ? Un ‘super’ événement… dans la biologie ? Avait-on découvert une nouvelle forme de vie ? Un nouveau nucléotide ? La vie extra-terrestre ? Expliquait-on enfin l’omniprésence du nombre d’or depuis les germes de blé jusque dans les tréfonds de l’hélice d’ADN ? Il fallait qu’il sache. Alors il avait sauté dans ce train.

Caroline l’attendait sur le quai avec une pancarte. Elle n’avait jamais vu Proyas, mais elle avait lu toutes ses publications et s’était fait de lui une idée bien précise. Petit, empâté par le manque d’exercice, cheveux blanchi par son angoisse existentielle.

Proyas cherchait. Cette Caroline devait avoir une pancarte. Une jeune femme, probablement, à en juger par la voix. Peut-être même une jeune demoiselle. Parcourant la foule du regard, il vit une jolie femme en tailleur blanc tenir une pancarte sur laquelle était nonchalamment inscrit ‘Proyas’. Une jolie femme, se dit-il immédiatement.

Caroline fut extrêmement surprise de voir cet homme lui tendre la main. Elle ne l’avait même pas vu venir, occupée à scruter la foule à la recherche de son petit vieux. Mais ce Proyas là était tout autre. Grand, dans le mètre quatre vingt cinq, tout de noir vêtu, bien bâti, cheveux noirs mat, yeux sombres, lunettes cerclées d’un acier étincelant, visage tendu faussement chaleureux. Tout chez ce Proyas était sombre et rude, mais il émanait de lui une grande prestance. Cet homme a dû souffrir plus que je ne le pensais, se dit-elle.

- Eh bien ? Où va t-on ? demanda Proyas, quelque peu crispé.

- Euh, oui ! Excusez-moi, c’est que…

- Vous ne m’imaginiez pas comme ça. C’est rien, vous verrez, on s’y fait. Pardonnez par avance mon pessimisme permanent.

- Bien, bien. Allons-y. Suivez-moi.

- Où va t-on ? insista Proyas.

- Paris centre. Un petit immeuble discret. Nous sommes installés au sous-sol. Nous fuyons les journalistes.

- C’est si important ? De quoi s’agit-il réellement ?

- Je vous l’ai déjà dit, je n’en sais rien.

- Vous avez forcément une idée, sinon vous ne prendriez pas la peine d’écarter les journalistes, continua Proyas en courant à moitié derrière cette Caroline manifestement très pressée.

Caroline s’arrêta net et se retourna vivement, adressant à Proyas un regard pénétrant.

- C’est une sphère.

- Une sphère, répéta Proyas après quelques instants, dubitatif.

- Une sphère, oui. On l’a trouvée dans le désert mexicain, sur ce qui semble être le site d’un crash ayant eu lieu il y a une semaine. Par un heureux concours de circonstances mexicano-mexicaines, nous avons pu récupérer l’objet au nez et à la barbe des américains. Nous les avons sur le dos, et ça ne va probablement pas tarder à barder. Nous devons nous dépêcher.

- Mais… pourquoi ne pas coopérer, travailler avec eux ?

- Parce que eux veulent faire cavalier seul. Il n’en est pas question. Il faut se dépêcher.

- Bien, conclut Proyas, focalisant son esprit sur l’image d’une sphère.

- A fait… Vous n’avez que ça ? fit Caroline, fixant des yeux l’attaché case de Proyas.

-…Oui, pourquoi ?

- Ca va être juste.

- Juste ?

- Parce qu’on en a pour un sacré bout de temps.


Ils arrivèrent en bas d’un petit immeuble quelconque au centre de Paris. Des journalistes se ruèrent à leur rencontre, Proyas en compta une bonne douzaine.

- Madame Sanchez ! Madame Sanchez ! Quand allez vous enfin dire la vérité sur ce qu’il se passe ici ? Est-il vrai que le congrès américain et la NASA font fait pression sur ce qui est entreposé ici ?

- Pas de commentaires, fit Caroline en s’engouffrant dans le hall de l’immeuble gardé par deux imposants videurs.

- Et vous, monsieur, qui êtes-vous ? C’est bien vous, le mathématicien surdoué… Proyas ?

- Pas de commentaires, fit Proyas, aussi durement qu’il puit le faire. La journaliste fut renvoyée dans ses vingt-deux.

Proyas suivait Caroline vers l’ascenseur. Il la vit appuyer sur le bouton –10.

- Dixième sous-sol ? Ca fait profond, non ? Quel genre de sphère est-ce ?

- Plus c’est profond, plus on pourra rattraper un de ces fouilles merde s’il arrive à entrer.

- Je vois. Allez vous enfin me dire de quoi il s’agit ? Vous parliez d’un crash… Et ces journalistes à la con… Ne me dites pas qu’il s’agit d’un crash d’ovni ?

- Dans quelques instants vous pourrez vous faire votre propre opinion sur la… sphère.

L’ascenseur ralentit brusquement puis les portes s’ouvrirent. Scotché, Proyas vit alors passer juste devant lui deux hommes en combinaisons NRBC tout droit sorties des films catastrophes sur le virus Ebola. Les deux hommes poussaient un lourd chariot de matériel électronique de mesure. Eberlué, Proyas crût y reconnaître des éléments de spectromètre.

- C’est quoi ce cirque ? Y a t-il un risque de contamination ?

- Nous n’en savons rien. Nous faisons tout pour éviter ce genre de problèmes. Venez. Je vais vous la montrer.

Ils traversèrent un long couloir vide. Les hommes en combinaison avaient disparu. Proyas remarqua un étrange revêtement sur les murs, fait de plaques de plastique bleu recouvertes de capitonnage brillant faisant penser à du papier aluminium vaguement froissé.

- Qu’y a t-il sur les murs ? demanda t-il.

- Ecrans d’eau. Ce plastique que vous voyez, ce sont les parois des réservoirs. Le capitonnage ne sert qu’à faire tenir l’ensemble, répondit Sanchez, pleine d’assurance.

- Des éléments de spectromètre, puis ces écrans d’eau… Vous avez des problèmes de perturbation de vos mesures ? demanda Proyas.

-…Exactement, fit-elle, étonnée qu’il ait déjà deviné. Nous tentons d’analyser la composition de la sphère mais les appareils semblent perturbés. Ces écrans d’eau enrichie en bore filtrent une grande partie des radiations cosmiques naturelles. Nous espérons ainsi pouvoir affiner nos mesures.

Ils arrivèrent au bout du couloir et Sanchez dû se plier à un contrôle rétinien pour que la lourde porte daigne s’ouvrir. Proyas trouvait tout cela décidément très high-tech. Trop high-tech. Puis il franchit la porte.


Proyas resta sidéré. Il pénétrait en effet dans ce qui semblait être un simple appartement. Un salon, avec un coin cuisine à l’américaine. Un petit couloir. Quelques portes. Sans doute des chambres. C’était dément. Tout ce buzz, le crash d’un prétendu ovni, la NASA sur la brèche, cet immeuble quasi-désaffecté, ces journalistes entassés, ces hommes en combinaison NRBC, ces murs capitonnés, ces écrans d’eau borée. Et cet appartement, consternant de simplicité, qui contrastait si violemment par son kitsch et sa suprême banalité avec tout ce qui avait précédé. Proyas était littéralement soufflé.

- Voilà. Vous y êtes. Bienvenue chez nous, fit Sanchez, souriante.

- Pardon ? laissa échapper Proyas, démantibulé.

- Je comprends votre surprise. Mais il vous faut bien comprendre que l’étude de la sphère risque de prendre un certain temps, c’est pourquoi nous devons nous mettre à l’aise. Vous verrez, nous sommes très bien ici. Mais suivez-moi, je vais vous la montrer.

Logique, se dit Proyas, avec une moue plus ou moins convaincue.


Caroline et Proyas traversèrent l’appartement silencieux puis arrivèrent dans une large pièce pleine de moniteurs, de caméras et de haut-parleurs. Proyas vit rapidement où Caroline voulait en venir. Il y avait au fond un mur vitré comme l’on en voit dans les films policiers. Mais ici, point de suspects. Juste une table, des caméras vidéos, un tas d’instruments et de câblage, et… la sphère. A peine plus grande qu’un ballon de football, la sphère était posée sur un socle apparemment métallique et focalisait l’attention de tout aux alentours. La sphère luisait d’un étrange reflet jaune orangé.

- La pièce est bien évidemment blindée. Murs en béton armé recouvert de plomb de 2 mètres d’épaisseurs. La vitre que vous voyez, c’est du verre armé lui aussi plombé. Vous êtes ici en sécurité. Enfin, espérons-le. Mais regardez plutôt ce moniteur, vous y verrez la sphère en gros plan, dit Caroline.

Proyas se tourna vers un écran plasma au centre de la salle. La sphère y apparaissait nettement, et Proyas y vit de nouveaux détails. La surface était incroyablement réfléchissante et mouvante. Il put distinguer des spirales en formation en train de se mouvoir lentement sur la surface.

- Ca bouge ? fit-il décontenancé.

- Oui. Nous ne savons pas comment. A vrai dire, nous ne savons pas grand chose de cette… chose, justement.

- Et vous pensez que je pourrai vous aider ?

- Je le pense. J’ai été parachutée experte biologiste. Pour le moment, à moins que la sphère entière ne soit une nouvelle forme de vie, je ne vois pas trop ce que je peux faire, dit-elle avec un sourire désabusé.

- J’imagine que vous analysez l’atmosphère de cette pièce.

-Evidemment. Nous n’avons rien trouvé.

- Car vous ne savez pas quoi chercher.

- Je vois que vous connaissez le problème. On ne trouve que ce que l’on cherche. Et nous ne savons pas quoi chercher. Alors, de là à le trouver…

Proyas réfléchissait. Ils étaient en face de quelque chose qui, manifestement, défiait leur imagination. Les américains faisaient le pressing. Il fallait gérer l’affaire de la manière la plus intelligente que possible.

- Qui d’autre y a t-il ici ? Je suis le mathématicien de l’équipe, mais où sont les autres ?

- Vous avez raison. Nous sommes une équipe. J’ai été catapultée chef sur cette affaire. Il m’a fallu constituer quelque chose de solide. Mais je ne voulais pas trop éparpiller le sujet, encore moins rameuter des centaines de personnes. J’ai été choisie pour une raison évidente : cette sphère est manifestement d’origine extra-terrestre. On compte sur mes connaissances en exobiologie. Je vous ai choisi pour jouer les mathématiciens, certes. Mais aussi pour jouer le rôle du physicien. Je suis persuadée de vos compétences dans les deux domaines, et comme je vous l’ai dit je ne voulais surtout pas rameuter tout le monde. La dernière personne de l’équipe, c’est David. David Esparanza. Agrégé de philosophie. Il nous fallait bien ça.

Ainsi le mot était lâché. Cette sphère était un objet tombé de l’espace. Mais Proyas avait des doutes. Pouvait-il réellement s’agir d’un objet conçu par des extra-terrestres ? Il était pris d’un immense vertige. Si c’était le cas, cette sphère pouvait contenir toute sorte de chose. Et changer le monde à jamais.

- Et… où est ce David ?

- Ici même, dit un homme en entrant brusquement dans la pièce. Veuillez m’excuser, reprit-il, j’ai écouté votre conversation. Je tenais vraiment à vous voir découvrir la sphère, monsieur Proyas. Et vous m’avez sidéré par votre calme.

- En fait, je suis à genou, fit Proyas d’un air ravagé. C’est tout simplement extraordinaire. Mais… Je n’ai, au fond, aucune certitude.

- C’est très vraisemblablement un ovni, vous pouvez me croire. Aucun appareil, avion ou satellite, ne manque à l’appel. Et les américains en sont aussi convaincus. Alors, vous êtes des nôtres ?

- Bien sûr, fit Proyas, comme s’il avait le choix.

Comment, en effet, pouvait-il refuser ? Cette sphère recelait peut-être toutes les réponses aux mystères de l’univers. Ou peut-être rien du tout. Mais c’était indéniablement excitant.

Le problème était de taille. De nouveaux concepts allaient sûrement surgir de l’étude de cette sphère.

- Qu’attendez-vous de cette sphère ? demanda Proyas, en jetant un regard à David.

- Eh bien… J’en attends sans doute autant que vous. Je sais que votre quête en mathématiques en en physique n’est pas du tout différente de la mienne. Mes attentes sont les mêmes que les vôtres. Seule mon approche est différente. Je cherche une réponse aux problèmes métaphysiques que se pose notre espèce depuis des milliers d’années.

- Pourquoi l’être plutôt que le néant ? D’où venons-nous ? Y a t-il une vie après la mort ? Qu’est-ce seulement que la Vie ? A quoi s’apparente une société extra-terrestre, au niveau politique, économique, social ? Les religions, tout ça… approuva Caroline. Oui, poursuivit-elle, monsieur Proyas. Vous n’avez pas le monopole du malaise vertigineux de la connaissance du Tout. Nos approches doivent se conjuguer. Nous devons percer les mystères de cette sphère.

- Très bien, fit Proyas. Que savons-nous au juste de la sphère ?

- Elle est tombée depuis l’espace dans le désert mexicain. C’est un ouvrier dans une station service qui l’a vue passer au dessus de sa caravane en pleine nuit, commença Caroline.

- Puis il a découvert le… crash. Mais il n’a jamais vu la sphère, car elle était prisonnière d’un bloc de mousse aux propriétés étonnantes. Un système d’atterrissage selon toute vraisemblance. Ce n’est donc pas un accident. Cette sphère était destinée à se poser quelque part, sur un astre solide. S’est-elle perdue ? A t-elle été lancée à l’aveuglette ? Nous n’en savons rien, poursuivit Esparanza.

- Une mousse aux propriétés étonnantes, dites-vous ? souligna Proyas. C’est à dire ?

- C’est un airbag, en fait, répondit Sanchez. Elle enveloppait la sphère. Nous l’avons étudiée. Elle amortit les chocs par déformation visqueuse puis se solidifie. Elle absorbe toute l’énergie cinétique et préserve ainsi, intact, son contenu. Il y en avait partout, à des centaines de mètres de la sphère. Ca a giclé de partout. Très efficace. Nous entreposons tout ça à l’étage du dessous.

- Bien… Et la sphère en elle même ? fit Proyas.

- Vous l’avez vue. Très précisément 30 cm de diamètre, 20 kg environ. Une sorte de métal parcouru de motifs changeants apparemment sans relief. Elle est d’une planéité absolue, pour autant que nous pouvons en juger.

- 30 cm de diamètre exactement ? demanda Proyas, en alerte.

- Autant que nous pouvons le mesurer. Notre précision est nanométrique, fit Esparanza. Je vois que cela vous trouble autant que moi.

Proyas était, en effet, très intrigué par cette mesure. Comment croire que cette sphère d’origine apparemment extra-terrestre puisse avoir une dimension aussi précise dans le système métrique terrestre ? La probabilité était sans doute plus qu’infime. Mais cela restait une probabilité.

-Etrange, en effet. Mais probable, fit Proyas.

Alex Proyas était un mathématicien et, en tant que tel, était convaincu par la démonstration. Qu’une affirmation mathématique aille à l’encontre de ses plus profondes convictions et il l’acceptait sans sourciller. C’était sa force, croire de manière rationnelle, savoir se rattacher à l’évidence mathématique, à l’évidence la plus solide de tout le monde scientifique. Et dans le cas présent, pour aussi improbable que cela puisse paraître, cette mesure était probable. Cela lui suffirait. Pour le moment.

- Je vois… fit Sanchez.

- Autre chose ? demanda Proyas.

- Oui… fit David, peu sûr de lui.

- En fait, poursuivit Sanchez, nous pensions avoir des problèmes de mesure, mais… Nous avons changé plusieurs fois tous nos équipements et effectué des centaines de mesures.

- Et ? s’enquit Proyas.

- Cette sphère semble n’être qu’une illusion, lâcha Esparanza.

- Comment cela ? fit Proyas, stoïque.

- Aucune signature spectrométrique.

Un spectromètre était un appareil capable de donner la composition chimique de tout élément visible, en se basant sur les informations électromagnétiques parvenant de lui sous forme de lumière, visible ou invisible. La lumière est une onde électromagnétique et la signature de l’élément chimique qui l’a produite est caractéristique. Il est impossible de se tromper. On est capable de donner avec certitude la composition de nuages stellaires à des millions d’années lumières de la Terre pour peu qu’un télescope puisse les observer.

- Vous en êtes sûr ? demanda Proyas, peu convaincu.

- Nous continuons de tenter de capter la composition chimique. Nous ne comprenons pas, dit Esparanza.

- Pourtant nous la voyons. Et à moins d’une hallucination collective, cette sphère est bien là, massive de surcroît, asséna Proyas.

- Oui, admit Sanchez.

- Cette sphère est alors forcément constituée d’un nouvel élément chimique inconnu. En fait, si le spectromètre ne renvoie pas de réponse claire, c’est simplement parce que, par comparaison avec sa banque de données, il ne trouve rien. Mais il doit forcément mesurer quelque chose.

- Oui, fit Esparanza en tendant une feuille à Proyas qui la saisit lentement. Ce graphe, poursuivit Esparanza, n’a apparemment aucune signification physique. Il est illisible alors qu’il devrait être net.

Proyas entreprit de comprendre le graphe qu’il avait sous les yeux. Les longueurs d’onde ne correspondaient à rien de connu, et se trouvaient bien au-delà des éléments chimiques recensés. Surtout, tout était confus, mélangé, comme si des éléments se changeaient sans cesse en d’autres.

- C’est donc bien ça. De nouveaux éléments chimiques en transmutation permanente. Ca commence bien, dirait-on, fit Proyas, satisfait. Autre chose ?

- Vous le prenez comme ça ? Est-ce acceptable ? s’étonna Sanchez.

- C’est acceptable, oui, dans le cas bien sûr où ce graphe soit fiable et que ce ne soit pas un simple bug. Mais vous avez dit que vous avez tout vérifié.

- Oui, fit Esparanza.

- Donc c’est fiable. Ecoutez, cette sphère est un défi conceptuel à tout point de vue. Il ne faut pas être étonné d’être étonné. Il faut interpréter. Comprendre. Compléter nos théories en admettant qu’elles soient faillibles ou incomplètes. Ce que je vois sur ce relevé, ce sont de nouveaux éléments chimiques instables car se changeant sans cesse en d’autres éléments. Aucune radioactivité décelée ?

- Aucune. Mais si vous dites qu’il s’agit là de nouveaux éléments, impossible de savoir quel est leur comportement radioactif… En ont-ils seulement un ? remarqua Sanchez.

- Peut-être émettent-ils de nouvelles particules, toutes aussi inconnues, approuva Proyas.

- Nous avons mis des détecteurs en place. Neutron, électron, positon, noyau d’hélium, ces particules radioactives auraient été détectées. D’autres, moins évidentes, comme le proton, seraient aussi détectées. Donc, s’il y a émission de particules, nous sommes incapables de les détecter.

- Il faudrait des années pour étudier cette sphère, fit Esparanza, fatigué.

- Autre chose, fit Sanchez pour relancer la discussion. La température de la sphère reste toujours légèrement au dessus de la température ambiante. Depuis une semaine. Cette sphère renferme de l’énergie.

- Intéressant, admit Proyas. Mais pourquoi ? Quelle peut-être la fonction de cette sphère ? Ce sera très dur à déterminer.

- Pour peu qu’il y en ait une, enchaîna Esparanza. Je veux dire, peut-être n’a t-elle aucune fonction par elle-même. S’il s’agit d’un débris d’une machine hautement complexe conçue par une technologie extra-terrestre, je pense être à peu près sûr que nous n’en comprendrons jamais la fonction. Un martien comprendrait t-il la fonction d’un éclat de tuyère tombé d’une sonde spatiale ? C’est peut-être une étude perdue d’avance.

- Mais si c’était un message ? essaya Proyas. Si des extra-terrestres nous envoyaient un message ? Cette sphère est peut-être une bouteille à la mer…

- Je vous trouve bien optimiste, remarqua Sanchez. Je vous voyais bien plus noir.

- J’essaie juste de progresser. Bien sûr, il est plus que probable que cette sphère résiste à toute analyse. Mais si nous avons une chance de la comprendre, il faut partir de l’hypothèse que c’est possible.

- Un message… Admettons que ce soit un message, et non pas une machine ou un débris de machine dont l’usage nous serait totalement incompréhensible… Imaginons. Nous, humains, avons envoyé via le message d’Arecibo notre position dans l’univers tel que nous le connaissons, ainsi que les images d’un homme, d’atomes, et d’un brin d’ADN. Même moi, humain, en voyant le grossier graphisme 2D monochrome sur ordinateur, j’ai eu du mal à le comprendre, alors… Et puis, s’ils nous ont envoyé de la musique, comme nous l’avons fait avec Voyager ? Sans une même culture musicale, c’est voué à l’échec. Nous n’y entendrions qu’un bruit de parasite sans même voir dans sa séquence une quelconque origine intelligente. Pire que tout : ce message est-il seulement décodable par nos sens ? Peut-être ces êtres communiquent-ils par odeurs, ou que sais-je encore ? Quelque chose dont nous n’avons sans doute même pas conscience.

- Je comprends votre point de vue, mais il nous faut essayer, fit Proyas. C’est vrai que le message d’Arecibo est le plus incompréhensible que nous ayons pu envoyer. Mais peut-être ces êtres sont ils plus intelligents que nous, j’en suis même persuadé. Leur capacité de compréhension de l’Univers doit être bien plus grande que la nôtre. C’est pourquoi j’ose espérer qu’ils auront trouvé un moyen plus aisé de communiquer. Il faut essayer, David. D’autre part… Regardez !

Proyas faisait lentement tourner la sphère à l’aide d’un joystick commandant un robot manipulateur. Il avait scruté la surface mouvante pendant de longues minutes depuis leur arrivée. Et quelque chose l’intriguait.

- Où ? Je ne vois rien, Proyas, fit Sanchez, dubitative.

- Si, regardez mieux, fit Proyas. Là. Les tourbillons semblent naître ici, sur cette zone plus foncée. Et j’ai remarqué la même chose, diamétralement opposée. Les pôles de la sphère. Il y a quelque chose. Il faut voir ce que c’est.

- Ok. Je vois. Allons-y, fit Sanchez. Température, intensité lumineuse, planéité, texture.

- Et la résistance mécanique ? essaya Esparanza.

- Nous en avons déjà parlé, David, répliqua Sanchez. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Si cette chose renferme un quelconque germe ou quoi que ce soit d’autre, je ne veux pas le relâcher. Nous sommes encore en vie, c’est un bon début. Tâchons de le rester.

- Attitude sensée. De plus, si c’est effectivement un message, je ne voudrai pas risquer de pulvériser ni même de rayer ce vinyle cosmique hors de prix, fit Proyas, amusé. Je pense qu’on pourrait peut-être aussi tester les champs.

-Les champs ? demanda Esparanza.

- Les champs gravitationnels et électromagnétiques, indiqua Proyas. Ils peuvent être de très bons indicateurs. Sur Terre, leurs variations sont à la base de nombre de phénomènes, comme les aurores boréales.

- C’est parti, approuva Sanchez.

Elle se dirigea vers un interphone et déclara :

- Demande analyses de température, d’émission lumineuse et d’état de surface sur les points indiqués.

Sur ce, Sanchez pianota sur son ordinateur et mit en surbrillance deux zones de la sphère modélisée en fil de fer sur son écran.

- Demande également analyse générale des champs gravitationnel et électromagnétique autour de la sphère, et plus particulièrement au niveau des deux zones indiquées, continua t-elle.

- Alors c’est ainsi que cela fonctionne ? Nous discutons, enfermés dans cette pièce, et vous communiquez vos demandes d’analyse via interphone ? demanda Proyas, dubitatif.

- Oui. En ne prenant pas part aux problèmes de pratique, nous ne sommes pas dérangés, fit-elle. Le Ministre de la Recherche approuve mes directives. C’est atypique, mais je préfère procéder ainsi.

- Bien, c’est vous le chef, admit Proyas. Mais c’est trop simple. Nous risquons fort de passer à côté d’importantes informations. La radioactivité a été découverte par accident sur le terrain.

- Nous ferons ainsi pour le moment. Qu’espérez-vous découvrir ? trancha Sanchez.

- Eh bien… Nous n’avons plus qu’à attendre les résultats, fit Proyas, absorbé par la vision des techniciens en combinaisons NRBC.

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« Nul ne répond
par : CHRISTO
Un petit crucifix »
par : jc-blondel



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Avatar de zoggdanoff

zoggdanoff

Le 07 juin 2008 à 17:23

J'ai lu votre texte avec gourmandise et une certaine impatience. J'y vois un début de texte prometteur... J'attends la suite.
Remonter au texte | #942


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