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Convergences 2/3

Publié le : 09 juin 2008 à 20:19 par Corentin (Site web lien externe)
Catégorie : Nouvelles / Essais

Derrière le miroir sans teint, on pouvait en effet voir une demie douzaine de techniciens lourdement habillés en train d’installer les appareils pour les mesures demandées. Une voix métallique retentit dans la salle de surveillance :

- Vérification état de surface.

Sanchez pianota sur son clavier et une image en fil de fer de la sphère apparut. Très vite, le fil de fer fut recouvert d’une texture pleine orange ocre très proche du véritable aspect. Un cercle vert clignotant délimita la zone étudiée et la caméra effectua un zoom surpuissant. Proyas jeta un œil aux techniciens en train de prendre des centaines de milliers de points de mesure sur la sphère à l’aide d’un appareil lourdement fixé au sol permettant une précision nanométrique. L’écran affichait ‘calcul en cours’, puis une durée : ‘modélisation terminée dans 20 secondes’. Quelques instants plus tard, un zoom encore plus fort révéla l’état de surface de la zone considérée. Cette sphère semblait parfaite, sur la base des 897 562 points de mesures nanométriques prises sur à peine 5 cm².

- Eh bien, nous voilà fixés. Cette sphère est juste parfaite, fit Esparanza.

- Pour autant que nous puissions en juger, oui, admit Proyas. Mais rien ne dit qu’elle soit parfaite. Car, excusez-moi, mais seuls les objets mathématiques peuvent l’être.

- Mais n’êtes-vous pas partisan d’une origine mathématique du monde ? releva Sanchez.

- Si, en effet, mais pas du tout dans un tel contexte. Ceci n’a rien à voir. Nous y reviendrons si nécessaire, répondit Proyas.

- Contrôle du champ électromagnétique, fit le haut-parleur.

Sur l’écran, des lignes de champs apparurent en rouge, tout autour de la sphère, joignant les deux zones étudiées. Proyas remarqua que le champ n’était pas très intense et apparemment variable dans le temps.

- Merveilleux. Très intéressant, fit Proyas.

Il se leva et se dirigea vers l’interphone.

- Demande relevé des potentiels électriques des pôles, continua Proyas.

- Faites comme chez vous, surtout, lui lança Sanchez, amusée.

- Mesure des potentiels engagée, fit la voix métallique. Potentiels variables apparemment binaires, continua la voix.

Sanchez pianota sur son clavier et le relevé des potentiels apparut.

- Ils varient effectivement dans le temps. Et de manière binaire. Je crois que nous tenons notre message. Reste à savoir le lire, fit Proyas, pensif.

- Une sorte de morse, en effet, approuva Esparanza.

- Oui. C’est tout à fait remarquable. D’une logique implacable. Nous parlions des difficultés probables de capter un quelconque message. Ces êtres ont donc encodé leur envoi de la façon la plus logique qui soit pour un peuple un minimum avancé : l’interaction électrique, l’une des quatre forces régissant l’univers, avec la gravitation et les forces nucléaires faible et forte. Ces interactions se ressentent partout. Pas possible d’y échapper et donc de passer à côté. Celle qu’ils ont utilisée est, de plus, la plus simple à mettre en œuvre. Elle ne peut passer inaperçue aux yeux d’une civilisation un minimum avancée. Admirable. Reste à déchiffrer tout cela, conclut Proyas.

- A supposer qu’il s’agisse bien d’un message et non pas d’une quelconque perturbation, glissa Sanchez.

- Non. C’est trop régulier, trop binaire. Regardez : le signal passe sans cesse d’une valeur très faible, quasiment nulle, à une valeur intense qui ne varie pas. C’est bien un code, affirma Proyas. On enregistre tout ?

- Bien sûr, fit Esparanza. Nous enregistrons les relevés et nous n’arrêterons pas avant de les avoir décodés.

- D’abord ces motifs changeants. Puis cette chaleur résiduelle à la surface de la sphère. Enfin, ce champ électrique variable. Ca ne fait aucun doute, cette sphère possède sa propre source d’énergie. Cela doit pouvoir nous aider, non ? fit Sanchez.

- Au niveau de son âge, vous voulez dire ? relança Esparanza. Oui ça peut avoir son importance.

- Pas forcément, trancha Proyas. Si les êtres à l’origine de cette sphère l’ont envoyée comme messager à l’aveuglette, ils n’ont sûrement pas pris le risque de la faire dériver des millions d’années et de voir ainsi son énergie s’épuiser. Donc si vous vouliez dater sa batterie ou je ne sais trop quoi d’autres, c’est foutu. D’autant plus qu’il n’est pas question d’ouvrir cette sphère.

- Mais d’où tire t-elle son énergie, alors ? Si elle n’a pas rechargé une sorte de batterie à l’énergie solaire durant son périple ? demanda Sanchez. Vous pensez à une autre forme d’énergie ?

- Sûrement, fit Proyas. N’oubliez pas qu’ils sont sûrement bien plus avancés que nous. Peut-être une matière nucléaire à la durée de vie quasiment infinie… Mais je pencherai plutôt vers une autre solution. L’énergie cinétique. Je repense à cet airbag déployé par la sphère. Cela laisse penser qu’elle était destinée à se poser intacte sur un sol apparemment dur après une terrible chute. Elle devait donc sûrement traverser une atmosphère comme la nôtre, relativement dense, à pleine vitesse, provoquant un intense échauffement. C’est peut-être là l’idée : l’énergie cinétique de la sphère changée en échauffement thermique : elle activait tous ses systèmes en plongeant vers sa cible. Elle sortait de sa léthargie en s’approchant de son but. Et puis, même sans atmosphère, avec cet airbag somme toute sûrement pas parfait, une partie de l’énergie de l’impact pouvait sûrement être récupérée par la sphère. Cela peut nous laisser un certain temps avant son épuisement. Mais nous ne pouvons être sûrs de rien.

- Je vois que vous venez de résoudre élégamment le problème énergétique, fit Esparanza, impressionné. Même si cela n’est qu’une théorie. Au reste à développer : que peut bien contenir cette sphère pour posséder le comportement que vous décrivez ?

- En effet, ça reste à développer. De plus, il est possible que je me plante sur toute la ligne, admit Proyas. Mais attachons nous au décodage de ce message.

- Un code binaire, c’est un bon départ, nous sommes d’accord. Astucieux car facilement lisible et immédiatement détectable pour une civilisation au fait de l’existence du champ électrique. Mais qu’en est-il du reste ? Si nous ne connaissions pas ce champ ? Et puis, même à partir de ce code binaire, tout est à faire, fit Sanchez.

- Sanchez, nous connaissons ce champ, c’est un fait et une chance, fit Esparanza. Sans doute est-ce même une condition minimale à la compréhension ce qui suit. Un peuple ne connaissant pas le champ électrique n’aurait peut-être rien à tirer de leur message, si, bien sûr, c’en est bien un, continua Esparanza avec un sourire amusé pour Proyas.

- Nous avons déjà dit que ce message était notre hypothèse de départ, fit Proyas, en réponse à Esparanza. Ensuite, là où vous êtes sûrement dans le vrai, c’est lorsque vous parlez de condition minimale de compréhension. Parce que je ne voudrai surtout pas paraître pessimiste, mais vous connaissez mes positions : je doute grandement des capacités intellectuelles de notre espèce. Et puis, c’est comme si balancions une télévision à un martien. Sans électricité, sans câblage adapté, sans émission radiodiffusée, il ne pourrait rien en tirer. Il faut espérer que nous ayons le minimum requis. Et puis, au fond, pourquoi serions-nous forcément capables de comprendre le monde ? Plus inquiétant : si c’est bien un message, que peut-il bien dire ? Serons-nous seulement capables de le comprendre en plus de le lire ou de le voir ?

- Bonne question, releva Esparanza. Imaginons que nous nous retrouvions comme un gamin de 5 ans devant un problème de maths style Polytechnique ? Notre capacité intellectuelle serait sans doute problématique… Il y a sans doute encore pire : de quoi va bien causer ce message ? C’est fondamental : si l’on discute politique avec les martiens, on ne comprendra absolument rien. Que ce message soit universellement compréhensible est notre seule chance, mais existe t-il un sujet réellement universel ? Les faits directement et universellement observables sont sûrement notre meilleure chance…

- Effectivement… Mais pour en revenir au problème de la capacité intellectuelle, il me semble en effet dangereusement crucial. Un exemple très simple : un chien est bien moins clairvoyant que nous sur la nature du monde, et nous ne sommes finalement qu’un cran au-dessus. Et il y a quelques millions d’années nous n’en étions pas là. Peut-être, effectivement, que l’intelligence sur notre planète n’en est encore qu’à un stade très limité. Trop limité ?

- C’est une question de point de vue, fit Esparanza. Même chez l’homme, l’intelligence, à supposer qu’on puisse la quantifier, est éminemment variable. Ensuite, un homme comprend-il réellement mieux le monde qu’un chien ? Qu’entend-on au fait par comprendre ? Ce n’est certes pas notre sujet, mais peut-être n’y a t-il rien à comprendre ? C’est une éventualité.

- Merci de nous remonter le moral, David, fit Proyas.

- Et c’est vous qui dites ça, vous le pessimiste chronique ? fit Sanchez, stupéfaite.

- Bon. Oublions cela, fit Proyas pour passer à autre chose. Vous disiez que même en partant de ce code binaire, tout restait à faire ?

- Bien sûr, fit Esparanza. Est-ce, là encore, une sensibilité à décoder ? Je veux dire, est-ce du Mozart martien encodé ? Au-delà du sujet abordé, d’un point de vue purement technique, est-ce une phrase, un dessin, un film, ou que sais-je encore ? Si c’est un dessin, est-il en 2 ou 3D, voire en 4 ou pourquoi pas 9 ? Après tout, la physique n’est pas loin d’imaginer de tels mondes à 9 dimensions, n’est-ce pas ?

- Effectivement. Mais il s’agit plus de procédés calculatoires qui, même s’ils ont une signification physique, nous dépassent. Les physiciens se plient aux équations et abdiquent devant de telles vues improbables de l’esprit. Ils l’admettent sans pouvoir le comprendre – en tous cas sans pouvoir se le représenter. Dès lors, s’il s’agit là d’un dessin en 11 dimensions nous sommes dans une impasse, admit Proyas. Mais continuez.

- Je continue, fit Esparanza. Maintenant, repartons de notre dessin. Ce signal binaire, que nous continuons d’enregistrer, est-ce un dessin ou un dessin animé ? Devons-nous y chercher une seule image ou plusieurs ? S’il s’agit bien d’une animation, comment les différencier ?

- Je suppose que vous avez des logiciels de décodage ? demanda Proyas.

- Bien sûr, fit Sanchez.

- Dans ce cas, poursuivit Proyas, ces logiciels sauront immédiatement repérer une redondance de tout ou partie du signal. Une transition entre deux images peut sans doute se remarquer par une pause temporelle du signal. Un signal continûment nul, par exemple, pendant un temps donné.

- Par exemple, oui, fit Esparanza. Et si tel est le cas, nous aurions là une information cruciale sur le temps propre de ces êtres. Supposez qu’ils soient, non pas immortels, mais dotés d’une durée de vie du milliard d’années : s’ils voulaient marquer une pause saisissable à leur échelle, nous pourrions bien nous retrouver avec un blanc de 10 ou 100 ans. Fâcheux. Si nous décodons leur dessin animé encodé avec des pauses de l’ordre de la dizaine de secondes, nous aurions déjà affaire à des êtres plus « humains ». Déjà, le seul fait que nous ayons distingué le caractère binaire variable de ce signal est une bonne chose. Les fluctuations auraient en effet pu être beaucoup plus rapides, ou atrocement lentes, au point d’être indécelables. Je crois donc que nous avons une chance.

- Le problème est ardu, en effet. Espérons qu’ils ne vivent pas trop longtemps, fit Sanchez, amusée. Quoique ce serait biologiquement très intéressant. Hélas, de ce point de vue, pas grand chose à l’horizon.

- Il nous faudra attendre pour juger, fit Proyas.

- 2 heures du matin. Il est tard et je suis fatiguée, fit Sanchez. Je crois que je vais vous laisser. A demain, messieurs.

- Bien, à demain, Sanchez, fit Esparanza. Nous restons entre hommes, conclut-il d’un sourire fatigué.


Sanchez était partie se coucher. Les deux hommes restèrent un long moment à scruter le signal binaire.

- Et si c’était un programme ? essaya Proyas.

- Peu probable, fit Esparanza. C’est l’actuel problème du stockage informatique : faire en sorte que de vieilles données restent lisibles par les programmes futurs, et ce sans même se soucier de l’altération des données. Un vieux programme a peu de chance de fonctionner sur un nouveau. Donc, il faut créer des bases de données auto-extractables, c’est à dire des données contenant leur propre outil de lecture. Nous n’en sommes pas capables. Peut-être ces êtres le sont-ils, mais alors il y a peu de chance que nous comprenions leur système.

- On en revient toujours au même problème : il nous faut supposer que ce message en soit bien un et qu’il soit intelligible. Cela relève presque de la foi, fit Proyas.

- En effet. Pour en revenir à cette idée de programme, il faut d’abord noter deux choses. Si c’est bien un programme, alors le fait qu’il soit en binaire est sans doute une autre démonstration des soucis de ces êtres d’être compris, car il y a fort à parier que leur équivalent informatique ne soit pas binaire mais bien plus élaboré, avec non pas une base 2 mais peut-être bien plus grande. Peut-être comptent-ils avec une base 96 000 ? Comment savoir ? En tous cas, nous avons du binaire. Si ce signal s’arrête, nous pourrons toujours l’essayer tel quel. En espérant qu’il s’agisse là d’un programme basé sur la séquentialité, autrement nos machines ne sauraient même pas le lire.

- Essayons plus simple. Reprenons notre idée des dessins. Cherchons une image, fit Proyas.

- En 2D ?

- Oui, ça paraît plus intuitif. Après tout, on peut faire de la 3D avec de la 2D : la télé n’est au fond rien d’autre que cela, de la 3D mise à plat. Et ça ne nous gêne pas plus que ça. On verra.

Esparanza s’exécuta. Proyas le vit pianoter à toute vitesse sur le clavier. Alex Proyas se sentait bien. Sanchez était adorable, sa manière de diriger les opérations était atypique mais intéressante. David Esparanza était agréable à vivre et éminemment intéressant, très au fait du contexte scientifique tout en apportant des pistes. Un agrégé de philosophie. C’était une belle idée. Et ils tenaient une piste. Les images. Allaient-ils en trouver ?

- Voyons ça, fit Esparanza. Très intéressant. Regardez : il y a des alternances, des pauses dans le signal. De deux types : certaines durent 3 secondes environ, et les autres, 7. Ca peut être capital. Je suis sûr qu’il y a séquentialité.

- Fantastique, fit Proyas, absorbé. Mais alors, s’il y a séquentialité, on a sans doute manqué le début.

- Je ne pense pas. Réfléchissez. C’est tout simplement trop important pour le destinataire. Espérons donc qu’ils auront su comment éviter ce désagrément. Peut-être en faisant en sorte que le signal ne commence qu’avec le début des mesures du champ.

- Ca peut effectivement se détecter. Espérons. Mais ça commence à faire beaucoup d’hypothèses, fit Proyas.

- Hypothèses qui commencent à se vérifier, regardez les pauses. On les attendait, on les a. Je pense donc qu’on peut continuer à procéder ainsi sans se retrouver à la fin avec une masse tellement lourde d’hypothèses que nous pourrions voir tout et n’importe quoi dans cette sphère. Maintenant, comment voir ces images en supposée 2D ?

- Si ce sont bien des images, ce n’est pas de la supposée 2D. C’est de la 2D, asséna Proyas.

- Comment cela ? Je ne vous suis pas.

- Réfléchissez à votre tour. Un signal. Une pause. Un autre signal. Encore une pause. Ca nous fait deux images dans notre hypothèse. Mais deux images comment ? En une seule et unique dimension, car en une seule et unique séquence ou signal par image. En 2D, il faut une seconde pause, pour un « retour à la ligne » définissant la hauteur de l’image. Hors, nous avons ici deux types de pauses. Celle de 3 secondes indique les retours à la ligne, celle de 7 secondes les changements d’image. C’est limpide. Tenez, on a même les dimensions de l’image avec le nombre de signaux binaires : 3000 sur 3000. Un carré. Intéressant.

- Bien vu, fit Esparanza, impressionné. Les maths sont en vous.

- C’est du simple bon sens. Si je vous avais laissé continuer seul, vous vous seriez forcément confronté à ce problème de retour à la ligne pour la 2D, fit Proyas. Mais peut-être nous plantons-nous sévèrement. Supposez que ces créatures ait une vision non pas plane comme la nôtre mais courbe ou en forme de spirale. Nos supposés retours à la ligne ne rendraient rien de bien. Nous sommes toujours scotchés à nos hypothèses, fit Proyas. C’est bien fragile.

- Mais si nous visualisons quelque chose que nous comprenons, c’est que nous avions raison. Nous aurons alors validé nos hypothèses.

- Nous n’en sommes pas encore là. Nous sommes partis d’une image. Est-ce seulement une image et pas un message écrit ou censé être entendu ? Ou censé même être pensé ? Peut-être ces êtres écrivent-ils directement en pensée.

- Attention, pente glissante, Proyas. C’est moi le philosophe, fit Esparanza, tout sourire, malgré le poids de la fatigue en cette heure tardive.

- Lancez le processus d’affichage. Voyons ce que nous avons.


Esparanza entra rapidement les ordres de décodage dans la machine. Proyas resta stupéfait devant sa rapidité d’action et sa connaissance du logiciel. Il connaissait de nombreux philosophes, rencontrés durant des séminaires. Le contact avait toujours été bon et souvent fructueux, et ce, de manière bilatérale. Mais Proyas leur reprochait toujours leur côté super low-tech. Et voilà qu’Esparanza balayait tout ça.

- On y est. Les images vont se succéder en diaporama sur tout l’écran configuré en 3000 sur 3000. On peut accélérer, faire pause, revenir en arrière. C’est parti. Première image. Pause.

L’écran n’affichait rien que du blanc.

- Rien. Il n’y a rien, fit Esparanza.

- Si. Regardez bien. Les contours de l’écran sont noircis. L’image est délimitée. C’est cadré, nota Proyas. Continuez.

- Les images défilent. Une toutes les 3 secondes. Nous devrions peut-être appeler Sanchez, non ?

Les images cadrant le vide se succédaient.

- Attendons de voir si ça vaut vraiment le coup, jugea Proyas. Mais allez plus vite. On n’en est plus à une hypothèse près, alors puisque ces êtres semblent avoir un temps propre proche du nôtre, allons-y pour du 10 images par seconde.

- OK, fit Esparanza.

Toujours rien. Puis des points noirs apparurent. Les deux hommes se regardèrent, fébriles. Les points grossirent. L’image semblait se cadrer sur l’un des points, qui grossissaient toujours. Les autres points étaient à peine sortis du champ que le point central s’affina pour devenir plus nuancé, fait de noir et de gris. Puis, au fur et à mesure de ce qui semblait de plus en plus être un zoom, cet amas se disloqua en d’autres points grossiers qui s’affinèrent à leur tour. La caméra se concentra sur l’un deux, d’abord régulier, puis franchement plus singulier, presque circulaire. Alors, des nuances de gris apparurent, comme si c’était un disque partiellement transparent. L’image continuait de s’affiner. La masse de points s’était muée en une étrange forme géométrique, comme un disque dont s’échappaient des pointes depuis les zones grisâtres. L’image continuait d’évoluer, les pointes se courbaient délicatement.

- Pause, demanda Proyas. Allons chercher Sanchez. Ca devient intéressant.

Quelques instants plus tard, Sanchez était devant l’écran, au courant et impressionnée de la démarche de ses collègues.

- Relancez l’animation, fit-elle.

C’était reparti. Les pointes s’affinaient et continuaient de se courber. Des défauts apparurent, brisant la symétrie de l’image.

-Vraiment étrange. On dirait des fractales, non ? Une sorte d’invariance d’échelle… Je me demande si notre programme de décodage n’est pas totalement à côté de la plaque, soupira Esparanza.

- Il est au contraire totalement au point, lâcha alors Proyas.

- Vous êtes sérieux ? demanda Esparanza, médusé.

- On ne peut plus sérieux, fit Proyas.

- Eh bien ? Que voyez-vous sur cet écran ? insista Sanchez.

- Une galaxie, dit-il lentement.

Esparanza et Sanchez se regardèrent, stupéfaits. Le zoom continuait. Les bras de la supposée galaxie n’étaient plus noirs mat mais devenaient transparents. Bientôt, un seul bras restait visible à l’écran, puis des amas apparurent.

- Les systèmes solaires ? tenta Sanchez.

- Oui, on dirait, approuva Esparanza.

- Attendez, on dirait que l’angle évolue. L’image se ratatine, fit Sanchez.

- Oui, changement de perspective. Joli, fit Proyas.

La caméra virtuelle semblait voler au dessus des systèmes solaires, frôlant des planètes autour desquelles orbitaient des satellites. On voyait parfois des systèmes à plusieurs soleils.

- Fantastique, souffla Proyas.

Sanchez avait l’impression de regarder un jeu vidéo en noir et blanc mal animé. Mais elle ne pouvait s’empêcher de frissonner et d’être prise de vertiges en se disant qu’il s’agissait d’une vidéo virtuelle d’origine extra-terrestre.

La vidéo continuait. La caméra fonça au centre d’un système, se mit en orbite autour d’un soleil unique, puis s’éloigna et s’approcha des planètes, virevoltant autour d’elles, découvrant une planète à anneaux, des satellites naturels et des astéroïdes.

- Attendez ! souffla Sanchez.

- Ca ne va pas ? fit Proyas

- Ce système… C’est le nôtre, étouffa Sanchez.

Proyas, qui tentait péniblement depuis ces dernières minutes de garder son calme, fut instantanément tétanisé. Tout comme Esparanza. Oui. Maintenant que Sanchez l’avait dit, oui, ils reconnaissaient tous deux leur propre système solaire. Et ils crurent s’évanouir en voyant apparaître la Lune puis la Terre, dévoilant nonchalamment ses continents tout en détails. Plus aucun doute possible. Proyas n’en croyait pas ses yeux. Puis la caméra s’écrasa. Au Mexique.

- Incroyable, lâcha Esparanza en mettant le film sur pause. Les implications sont colossales.

- En effet, confirma Sanchez. La sphère n’est pas arrivée ici par hasard. Elle nous était clairement destinée. Et si l’on ne sait pas vraiment d’où elle vient, c’est déjà très clairement de très loin. Ils savent où nous sommes. Mieux, ils savent plus simplement que nous sommes. Nous, nous ne savions rien d’eux. C’est à peine si nous savons maintenant qu’ils existent. Comment nous ont-ils découvert ?

- D’après ce que j’ai vu, la sphère vient de trop loin pour que nos émissions radios aient pu les atteindre. C’est beaucoup trop loin. Ou alors nous devons tout remettre en cause, fit Proyas, décontenancé.

-Tout remettre en cause ? A quel niveau ? demanda Sanchez.

-Au niveau de la transmission d’informations. Apparemment ils sont si loin que même visuellement, au sens de la vitesse de la lumière, ils n’auraient pu voir la Terre qu’à l’aube de son existence. Pourtant nous venons bien de voir la Terre telle qu’elle est aujourd’hui. Donc l’information de notre existence s’est propagée autrement. Et je ne vois pas comment.

- Attendez, calma Esparanza. Nous avons vu la Terre telle qu’elle est aujourd’hui. Clairement. Et nous avons vu la caméra plonger vers le Mexique, comme l’a très précisément fait la sphère. Mais peut-être que la première partie de la vidéo n’est pas le cheminement exact de la sphère. Souvenez-vous. Au début, rien. Puis, sous un angle de vue franchement artificiel, des amas de galaxies, puis des galaxies, puis une galaxie. Toutes, vues perpendiculairement à leur axe de rotation. C’est trop didacticiel. C’est probablement purement ludique. Pour que nous comprenions bien. Cette vidéo est purement virtuelle après tout. Ce n’est pas la réalité. Peut-être cette sphère vient-elle de bien moins loin que vous ne le pensez.

- Puissiez-vous avoir raison, souffla Proyas. Toujours est-il que nous n’avons pas la moindre idée d’où elle vient. Alors que eux ont une image assez précise de notre planète. Ca ne vous inquiète pas ?

- Je suis terrifié. Mais je ne saurai dire pourquoi. En fait, c’est cette vidéo, la vue de la Terre, tout ça. C’est si soudain. Vertigineux, fit Esparanza.

- Tâchons de dormir, trancha Sanchez. Nous verrons tout ça demain. Bonne nuit, messieurs.

- Oui. Je vais me coucher aussi, enchaîna Esparanza.

- Moi aussi, conclut Proyas.


Sanchez et Esparanza se levèrent puis quittèrent la pièce. Proyas resta seul, scotché. Ca semblait presque trop facile. Ils n’avaient pas fait fausse route un seul instant. Message codé en une succession d’images 2D animées. Trop facile. Et, puis, cette image de la Terre. Cette idée qu’ils les observaient le rendait fou. Il regardait l’écran, les yeux dans le vague. Puis un vague clignotement le ramena à lui. Le symbole « pause » clignotait en rouge sur l’écran. La vidéo. David l’avait arrêtée. Et, médusés par ce qu’ils venaient de voir, ils n’avaient pas réalisé que le film n’était pas terminé. Fébrile, Proyas se mit devant l’écran et, d’un clic, appuya sur « play ».

Ce qu’il vit dépassait l’entendement. Il ne pouvait y avoir aucun doute. C’était bien la silhouette d’un homme qui était apparue sur l’écran. Puis, en un magistral zoom, la caméra révéla un étrange nuage clignotant, puis un minuscule point grandissant. Bientôt ce point apparut constitué d’une sphère, elle-même faite de trois sphères. Pause. C’était les particules élémentaires. Ce nuage clignotant, c’était les électrons et leurs probabilités de présence en orbite autour du noyau atomique, fait de trois protons et neutrons, eux-mêmes constitués de trois quarks. Jusqu’ici, Proyas avait compris. Le modèle standard de la physique moderne n’était apparemment pas encore pris en défaut. Mais Proyas sentait bien quelque chose venir. Play. Encore un zoom, faisant apparaître cinq nouvelles sphères. De nouvelles particules élémentaires. Cela commençait. Puis encore un zoom. Proyas tremblait. Une des sphères symbolisant une de ces nouvelles particules apparut en gros plan, puis se mit à clignoter, avant de disparaître pour laisser sa place à une corde vibrante. Pause. C’était donc ça. La théorie des cordes était donc vraie. Play. Drôle de nuit qui suivit. Proyas devint ainsi le premier humain au contact de la véritable nature du monde. Beaucoup de choses suivirent sur la vidéo. Trop de choses pour un seul homme.

Proyas ronflait bruyamment, avachi devant l’écran en veille. Sanchez s’approcha lentement. Elle vit que Proyas s’était endormi sur une feuille de papier griffonné. Elle le retira délicatement de dessous son visage. Elle pu alors lire : Instanton gravitationnel primordial singulier unique de taille zéro… Information primordiale ?

Caroline fit signe à David de s’approcher. Elle lui tendit la feuille. Il la lut à haute voix, puis fit clairement comprendre qu’il n’y comprenait rien :

- Instanton quoi ? fit-il, peu convaincu.

- C’est la clé. La sphère m’a tout révélé, fit alors Proyas, réveillé.

- Comment cela ? demanda Esparanza.

- Hier soir. Lorsque vous êtes partis vous coucher, je suis resté. Et j’ai vu que le film n’était pas terminé…

- Nom de… Mais oui ! souffla Sanchez. Nous n’avons pas regardé la suite !

- Donc vous n’avez encore rien vu. C’est… incroyable. Mais je ne suis pas sûr que vous y comprendrez grand chose, fit Proyas. C’est parti.

- Attendez, attendez. C’est si… incroyable que ça ? Quelles sont les implications ? demanda Sanchez, qui n’osait pas regarder.

- C’est parti. Allez, lâcha Proyas.

L’écran afficha les premières images du film. Sanchez et Esparanza regardèrent sans un mot. Ils virent la silhouette humaine et ne purent alors réprimer un frisson. Ils virent apparaître de drôles de sphères qu’ils identifièrent comme des atomes, puis encore d’autres sphères. Ils perdirent rapidement le fil du film. Lorsque les sphères se changèrent en cordes, Esparanza soupira. Puis autre chose. La caméra effectua brutalement un vertigineux zoom arrière pour embrasser de nouveau les galaxies qui se mirent à tournoyer de plus en plus lentement, avant de converger pour ne plus former que d’énormes amas de matières.

- On remonte le temps, fit simplement Proyas.

Les amas se rapprochèrent tous de plus en plus vite pour n’en former plus qu’un qui se rétracta et se mit à clignoter étrangement. Un semblant de pause, puis un zoom surpuissant sur l’unique point restant. Sanchez crût distinguer comme une vertigineuse descente le long d’un cône spiralé, puis des particules se mirent à danser à l’écran, s’agglutinant en une étrange masse ondulante se déformant sans cesse comme un liquide parcouru d’étranges et violentes ondulations. Puis l’agitation commença à se calmer et de nouvelles particules apparurent, de plus en plus calmes. Un semblant d’ordre commençait à émerger. Les particules commençaient à s’aligner en une étrange spirale étirée. La caméra dévalait l’étrange escalier de plus en plus vite puis se mit à ralentir avant d’arriver, presque à l’arrêt, sur une unique particule sphérique clignotante, devenant tantôt une sphère, tantôt un point. Puis il ne resta plus qu’un point. Puis plus rien. Alors l’écran se mit à afficher à la suite des 0 et des 1 puis d’étranges symboles, en lignes, à toute vitesse, dont l’écran fut bientôt couvert. Les lignes continuaient de défiler à une vitesse vertigineuse. L’écran devient blanc tressautant, puis blanc uniforme.

- Fin, asséna Proyas.

- C’était quoi, tout ça ? fit simplement Sanchez, médusée.

- Un cours de physique magistral, répondit Proyas du tac au tac. Ce que vous venez de voir à l’écran n’est autre que l’histoire de l’univers depuis son origine jusqu’à nos jours et, plus fort encore : la nature même du monde ainsi que l’ultime vérité.

- Rien que ça, soupira Esparanza. Mais pourriez-vous être plus clair ?

-Je vais essayer. Ces lignes de code que vous venez de voir défiler ne sont autres que le code cosmologique. La formule ultime régissant l’univers. L’origine du monde. On est au bout : mathématiques, physique, métaphysique, philosophie. Tout est là. Tout.

- Mais pourquoi un cours de… Physique ? Est-ce ça, le message extra-terrestre ? Un cours de physique ? fit Sanchez, stupéfaite.

- Eh bien, fit Esparanza, disons que, la physique étant universelle, c’est une approche satisfaisante. Réfléchissez. Nous en avons déjà parlé. Vous, de quoi tenteriez-vous de parler ? Moi femme, moi amie de vous, vous amis ? C’est puéril et stupide, en plus d’être sûrement incompréhensible. Tandis qu’une représentation visuelle du monde physique, c’est universel. Je trouve ça cohérent. On l’a déjà dit : les faits scientifiques sont notre seule chance de nous comprendre, ou presque. En fait, ce cours de physique, je le trouve terriblement logique. Mieux : c’est une magistrale preuve de bon sens. La science fondamentale, quoi de mieux pour communiquer ? De par sa nature universelle, il s’agit sûrement du meilleur vecteur de communication qui soit : tout être est soumis aux lois de la physique, chacun la ressent, elle n’est qu’une. La musique, la politique, le social ? Illusoire !! Aucune chance que l’on se comprenne ! La biologie ? Idem, et vous le savez sûrement mieux que moi, Sanchez : ne comprenant toujours pas ce qu’est la Vie, comment elle est apparue et, plus difficile encore, ses différentes formes possibles, pas besoin d’espérer communiquer ainsi.

- Je ne peux que vous donner raison, admit Sanchez.

- Exactement, enchaîna Proyas. La Physique est sûrement le meilleur moyen de communiquer, peut-être pas le seul, mais le plus efficace, assurément.

- Espérons tout de même qu’on en saura plus, et que l’on ne parlera pas Big Bang en permanence… Mais êtes-vous vraiment sûr de vous, Proyas ? La vidéo me semble confuse, fit Esparanza.

- Il est vrai que je ne fais qu’interpréter ce que j’ai vu. Mais ce que j’ai vu est exactement ce à quoi je m’attendais. Il n’y a pas une seule image qui ne s’inscrivait pas dans ce que j’anticipais. Tout ce que j’ai toujours su sans jamais pouvoir en être sûr. Et, manifestement, ces êtres l’ont aussi compris. Qu’ils l’aient démontré ou non m’importe assez peu finalement. Le seul fait qu’ils aient conceptualisé la même chose que moi suffit à me convaincre de la véracité de mes travaux. Mais eux sont allés bien plus loin. Ils ont vu et compris ce que j’entrapercevais à peine.

- Quels travaux, au juste ? Vous avez écrit des centaines d’articles, fit Sanchez.

- Ma théorie sur l’origine du monde, dit Proyas. Tout ce que vous venez de voir converge en une seule et unique théorie unifiée du monde. Ca converge.

- Bon… Reprenons le film, si vous voulez bien, fit Sanchez. L’être humain. C’est dingue. Ils nous voient ?

- Absolument, fit Proyas.

- Mais pourquoi ne savons-nous rien d’eux ? Où sont-ils ? s’énerva presque Esparanza.

- Regardez la sphère, fit simplement Proyas.

-Hein ? fit Sanchez.

Ils se tournèrent tous trois vers la sphère.

- Nom de dieu, souffla Esparanza. Que s’est-il passé, Proyas ?

La sphère avait bougé. Elle n’était plus bien calée dans son socle, mais semblait s’être empalée sur l’un des appareils de mesure qui la traversait désormais de part en part.

- La nature reprend simplement ses droits. Cette sphère n’est pas de ce monde, fit laconiquement Proyas.

- Ce qui veut dire ? tenta Esparanza.

- Cette sphère n’est pas faite de matière ordinaire, vous le savez déjà. Elle est en faite constituée de ce que nous appelons les WIMPs, pour weakly interacting massive particles. Des particules élémentaires massives interagissant peu ou pas avec notre monde fait de particules…ordinaires, si j’ose dire. Mais peut-être qu’une petite remise à niveau en physique des particules serait nécessaire ?

- Je le crois, oui, admit Sanchez.

- Très bien, fit Proyas, tout sourire. Les wimps, donc. Il s’agit de particules issues de notre esprit « matheux » pour contrecarrer une réalité qui nous échappe. Une dure réalité. L’Univers a une masse, que nous pouvons très précisément mesurer grâce aux effets gravitationnels dans l’Univers. Manque de pot, ce que nous voyons n’égale même pas 5% de cette masse. En d’autres termes : l’Univers tel que nous le connaissons, fait d’étoiles et de galaxies, n’est qu’une infime partie d’une réalité qui nous échappe : celle d’un monde bien plus grand encore que celui que nous font miroiter les étoiles. Le problème est de taille : toute notre compréhension physique du monde est basée sur l’étude de particules qui composent à peine 5% du total. Nous ne savons rien, ou presque, du reste. Il y a l’antimatière que vous connaissez, bien sûr, mais sa masse totale est infime. Nous avons donc imaginé un univers constitué majoritairement de wimps, ces particules massives constituant les 95% manquant, mais qui nous sont invisibles – car faiblement interactives. En d’autres termes : des particules lourdes mais qui nous traversent sans même daigner penser à nous. La matière noire est un autre de ses petits noms. Cette sphère est faite de cette matière noire et reste donc instable : elle a bien failli disparaître et repartir dériver dans son monde. Simplement, je ne sais pas comment, mais « ils » ont réussi à la stabiliser dans notre monde. Elle a déjà traversé un appareil de mesure. Mais elle semble vouloir… disons, « s’accrocher » à notre monde. Le temps de délivrer son message.

- Attendez, cette histoire de matière noire, fit Esparanza… La matière noire n’est là dans vos équations, au fond, que pour justifier la masse manquante ?

- Avant que j’aie pu voir cette sphère, ça n’était qu’un élément mathématique, oui. Mais maintenant, je sais que c’est réel, fit Proyas.

- Mais… N’y a t-il pas d’autres explications à la masse manquante ? insista Esparanza. D’autres explications… qui ne colleraient pas avec la sphère ?

- Vous êtes tenace, fit Proyas. Mais, oui, il y a effectivement d’autres équations expliquant plus ou moins bien la masse manquante… Mais elles sont très imparfaites, et n’ont aucune preuve tangible à offrir, tandis que les wimps et cette sphère… Mais tout de même, détaillons. Une théorie baptisée MOND propose de changer une des lois de Newton…

- Changer les lois de Newton ? releva Sanchez. Mais je croyais que les équations d’Einstein les avaient déjà remplacées depuis longtemps, non ?

- Pas tout à fait, précisa Proyas. La gravitation de Newton a effectivement cédé sa place à la gravitation d’Einstein, mais l’un des principes fondamentaux de la Physique appartient toujours à Newton, avec sa deuxième loi stipulant que F = ma : la somme des forces exercées sur un objet est toujours égale au produit de sa masse et de son accélération. On voit ici apparaître la masse… Voilà en effet comment est mesurée cette fameuse masse manquante : avec des mesures d’accélération ! Ce que propose la théorie MOND est d’écrire (il griffonna sur un papier) :

F = ma²

Ce serait uniquement valable aux grandes échelles cosmiques, ou, plus précisément :

F = ma(1+a/a0)

Ici, a0 serait une constante physique fondamentale si grande que, jusqu’aux échelles usuelles où les accélérations (a) restent très modestes, on ne mesurerait que F = ma, tant le terme en exposant serait alors très proche de 1. C’est assurément une belle théorie et ce, pour plusieurs raisons : elle découle tout autant de l’expérimentation que celle de Newton, fait des prédictions d’une grande justesse par rapport au problème de la masse manquante, et, au fond, cette histoire de terme mathématique devenant négligeable à une certaine échelle est tout à fait semblable à la correction apportée par Einstein à la gravité de Newton... Il y aussi la théorie selon laquelle la gravitation se diluerait dans d’autres dimensions, ce qui aurait immanquablement un effet sur la force de gravitation et démonterait tous nos calculs de masse. Sauf que nous avons la sphère, et le film. Il n’y a pas de doute possible, vraiment.

- Mais alors comment expliquez-vous que cette matière interagisse brutalement avec notre monde ? fit Esparanza.

- Les propriétés des wimps nous sont inconnues. Peut-être ces extra-terrestres sont-ils capables d’en faire des agrégats stables, une forme cristalline peut-être, capable d’interagir avec notre monde. Que sais-je ? C’est confus, je l’admets volontiers, confessa Proyas.

- Bon, admettons. Au fond, qu’apporte cette vidéo de si sensationnel ? demanda Sanchez.

- Elle affirme que l’origine du monde est mathématique, fit simplement Proyas.

- Vous voulez dire que les mathématiques sont les moteurs du monde ? avança Esparanza.

- Précisément. La principale thèse actuelle est que les mathématiques ne sont qu’un moyen pour la physique de modéliser la réalité. Dans cette optique, les modèles mathématico physiques ne sont que des calques pouvant prédire les évènements pour peu que l’on ait assez d’éléments. Mais ils ne sont pas la réalité selon cette thèse qui indique, au fond, que les mathématiques ont été inventées par l’Homme et non pas seulement découvertes par lui, continua Proyas.

- Et vous affirmez le contraire, fit Esparanza. Pour vous, les mathématiques sont la réalité ? Selon vous, l’Homme n’a pas inventé les mathématiques mais les a simplement, disons, mises à jour depuis leur existence profonde… ?

-Elles sont derrière la réalité. Elles la sous-tendent, l’orientent, l’animent. Ca, oui, fit Proyas.

- Mais d’où vient cette idée, fondamentalement ? reprit Esparanza.

- Cette idée vient tout d’abord d’étranges évènements. Par exemple, l’existence de l’antimatière était connue bien avant sa première observation expérimentale, en tant que solution négative d’une équation d’énergie atomique. A priori, c’était absurde : l’énergie est une grandeur scalaire forcément positive. Pourtant, l’expérience l’a montré : elle peut être négative. C’est l’antimatière, fit Proyas.

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Avatar de zoggdanoff

zoggdanoff

Le 11 juin 2008 à 12:20

Corentin, j'aime ton travail, mais tout tes lecteurs ne pourront pas s'accrocher sur plusieurs dixaines de pages à un texte aussi technique...
(IDEE!) Et si tu t'appliquais à développer (tout du moins à ce stade) le profil délicieusement bourru de ton savant? Et puis, je trouve qu'ils appliquent un protocole de recherche sur cet objet qui leur donne (trop?) facilement des réponses pour ce qui est manifestement une technologie extra-terrestre. Un peu de frustration, un peu d'impuissance ne serait-ce pas pour toi l'occasion de développer les rapports entre tes deux personnages et de poser des théories que tu rendrais par là même accissibles à un maximum de lecteurs?
J'attends la suite, courage!!!
Remonter au texte | #952

Avatar de Corentin

Corentin

Le 12 juin 2008 à 21:22

Content que ça te plaise. Ce texte est trop indigeste, c'est vrai, et je m'en excuse. Je l'ai écrit il y a plusieurs années déjà. J'ai progressé depuis. Je viens de terminer mon premier roman, un thriller scientifique aussi, mais beaucoup mieux construit, avec une vraie intrigue et de vrais persos. Ca se passe en Russie et ça parle de clonage. Si ça te dit, je pourrais te le faire lire :)
Remonter au texte | #956

Avatar de zoggdanoff

zoggdanoff

Le 14 juin 2008 à 12:02

Avec plaisir, Corentin!
Remonter au texte | #960

Avatar de Corentin

Corentin

Le 14 juin 2008 à 12:11

Bon, eh bien, ça se passe par là :
http://www.lulu.com/content/1257902
Le téléchargement est gratuit et instantané, pas besoin de créer de compte. Il y a aussi une version papier.
Sinon, le bouquin est aussi ici en version "interactive" :
http://issuu.com/corentin/docs/human_genome
Bonne lecture!
Remonter au texte | #961

Avatar de zoggdanoff

zoggdanoff

Le 14 juin 2008 à 13:25

OK, dès que possible...
Remonter au texte | #963

Avatar de zoggdanoff

zoggdanoff

Le 19 juin 2008 à 18:16

Corentin, j'ai commencé la lecture de ton roman, et j'ai déjà, même s'il me plaît, les mêmes griefs que pour le texte ci-dessus. Une abondance de détails, qui tournent facilement à la démonstration. J'ai bien peur que beaucoup de tes lecteurs soient quelque peu effrayés par le côté ardu de ton approche, pour un sujet qui n'est déjà pas si aisé à aborder.
En outre, onze pages de préambule, des paragraphes compactes, s'étirant souvent sur plus d'un page... Cela renforce pour moi la difficulté d'y entrer. Pourtant, les thèmes que tu aborde sont alléchants (carrément excitants, même!)
Toutefois, l'histoire "fonctionne", on se retrouve déjà, lecteur, à échafauder des théories entre les personnages... Abby me semble déjà bien sympathique.
Bien entendu, cet avis est pétri de ma maladresse et donc tout à fait relatif. (Ne s'use que si l'on s'en sert!!!)
Remonter au texte | #971

Avatar de Corentin

Corentin

Le 19 juin 2008 à 18:26

C'est vrai que, même sur Human Genome, c'est encore un peu touffu niveau science. Le début est assez costaud notamment. Mais tu vas voir, c'est quand même construit de manière beaucoup plus romancée que Convergences. Alors, bien sûr, ça reste de la hard science, mais il y a une vraie intrigue, des scènes d'actions qui dépotent bien - jusque là ces scènes ont toujours beaucoup plu -, des persos vraiment développés, des "gentils", des "moins gentils", et... hem bref tu verras bien!
Ca reste touffu je te l'accorde, mais c'est aussi un objectif : faire passer quelques messages sur la Science en général et sur la théorie de l'Evolution en particulier, notamment son "combat" avec la Religion.
Et je ne peux pas ne pas détailler certaines techniques d'ingénierie génétique, c'est comme ça, j'en ai envie, je trouve ça toujours horriblement frustrant lorsque je lis des choses qui ne vont pas au bout ou des grosses pirouettes techniques.
Mais tout ça est tout de même bien enrobé dans une intrigue façon polar, en Russie.
Ca n'est pas light, certes, mais on est très loin, je pense, de la fin complètement imbouffable de Convergences.
Tiens moi au courant! ;)
Remonter au texte | #972

Lecteur de passage (zoggdanoff)

Le 19 juin 2008 à 20:04

Je persiste et je signe : J'AIME!!! mais tu dois aussi reconnaître que ce n'est pas à portée du premier venu, sans vouloir passer pour immodeste... A bientôt pour mes secondes impressions.
Remonter au texte | #973


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