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Dans les cendres de l'Amour (Chap. I - Part. 4)

Publié le : 04 mars 2008 à 21:48 par ReneMax (Site web lien externe)
Catégorie : Nouvelles / Essais

« Oui tu es souriante et tu m’as l’air mieux que les filles que j’ai l’habitude de rencontrer, alors partager un peu sur le chemin de l’école me plait bien. Bon je ne vais pas trainer, Olivier doit m’attendre quelque part.

-Mais tu pensais qu’il était là…me reprend Isabelle.

-Oui c’est vrai, je m’embrouille un peu. Bon, puisqu’il n’est pas là je vais continuer ma route.

Tu reprends l’école lundi ?

-Oui, je n’ai plus rien, je vais bien. Tu veux monter un peu ? cela ne me dérange pas.

-C’est que cela me gêne, tu avais sûrement autre chose à faire.

-Non rien, je viens de terminer ce que je faisais avec Christelle. »


Sur ce, Christelle qui était toujours là en profite pour nous lancer :

« Oui, et il faut que j’y aille, ma mère doit m’attendre.

A une autre fois peut-être, au revoir »


Isabelle prend la direction de l’escalier et me demande de la suivre. Je ne bouge pas je reste indécis, elle insiste.

« Allez viens, tu veux te faire prier ? »

Je cède. Elle n’a pas l’air de se forcer ou de m’inviter par politesse. Ca serait la pire des choses à me faire; me laisser croire ce qui n’est pas.

Je monte les marches derrière elle et nous arrivons à l’étage dans le couloir de la maison.

Tandis que je franchis la porte de l’escalier, arrive la maman d’Isabelle.

C’est une grande femme qui semble énergique. Alors qu’elle m’adresse un bonjour accompagné d’un sourire aussi franc que celui de sa fille, je me sens tout de suite à l’aise.

Je me permets d’ajouter pour Isabelle :

« Je comprends d’où vient ton sourire. »


Madame Souvignet lance un compliment de remerciement mais je ne saisi pas ce qu’elle dit. Elle est déjà dans sa cuisine d’où elle lance : « tu veux boire un chocolat chaud ou autre chose? »

Cette convivialité apparente me surprend. Chez nous, nous n’avons pas l’habitude de proposer ou partager immédiatement avec les gens que nous voyons pour la première fois.

La politique de la famille est plus du genre : méfiance, voyons d’abord de qui il s’agit et ce qu’il veut.

Isabelle me repose la question à laquelle je réponds chocolat. Elle me soulage de mon blouson qu’elle va déposer dans sa chambre. Je rejoins madame Souvignet dans la cuisine.

Comme je le pensais en arrivant, ce sont bien les fenêtres de cette pièce et celle de la salle qui donnent sur la cour côté rue.

Alors que je m’assois le long de la table au bout de la banquette, je remarque dans la salle à manger, la présence d’un garçon qui à l’air plus âgé qu’Isabelle.

Il n’a pas levé la tête à mon arrivée, ni dit bonjour. Hum ! Je dois quand même déranger. Il est penché sur des livres et des cahiers.

Madame Souvignet qui a suivi mon regard me dit :

« C’est Mikaël, il révise ses cours. Il ne faut pas faire trop de bruit.

Dis-moi, tu t’es perdu pour arriver ici?

-Pas vraiment madame. En fait je cherchais la présence d’un copain Olivier, qui m’avait dit qu’il serait ici cette après-midi.

-Es-tu aussi dans la classe d’Isabelle, comme Olivier ? »


Isabelle qui nous a rejoints, s’est assise à côté de moi, elle me regarde.

Je jette mes yeux au fond de mon bol, un peu de répit pour mes émotions le temps de boire mon chocolat. Je ne savais pas qu’Olivier et Isabelle étaient dans la même classe. Pourquoi ne me l’a-t-il jamais dit ?

Pendant ce temps, la porte de l’escalier s’ouvre sur une fille du même style qu’Isabelle mais en bien plus brune. Je la compare à Carole Laure à qui elle ressemble, mais elle me fait aussi brièvement penser à mon premier amour: la monitrice.

Elle se prénomme Danielle, sœur d’Isabelle. Très souriante aussi. C’est sûrement un trait de caractère de cette famille. Danielle me lance un bonjour en passant et s’en va rejoindre Mikaël dans la salle à manger.

Madame Souvignet qui remarque que je ne la connais pas, me précise que ses enfants sont au nombre de quatre, et qu’il me reste à rencontrer Claudine, et Patrick.

Ses paroles résonnent comme une autorisation à revenir, j’en suis très heureux.

Mon bol reposé je lui réponds : « Non, je ne suis pas dans la classe d’Isabelle.

Chez nous aussi nous sommes quatre, j’ai deux sœurs et un petit frère. »

Madame Souvignet a sorti des légumes qu’elle commence à éplucher. J’en profite pour me lever, il me faut partir, j’ai l’impression de m’imposer.

« Madame je vais vous laisser, merci pour le chocolat c’est gentil de me l’avoir proposé.

-Ho tu sais, c’est parce que j’allais m’en faire un aussi.

-Isabelle, je reprends ma route pour Flagey. On se revoit lundi peut-être. »


J’attends devant la porte des escaliers qu’elle revienne de sa chambre où elle est allée chercher mon blouson. Nous descendons les marches ensemble, moi devant, en silence. Arrivés au sous-sol, je me retourne et lui tends la main avant d’ouvrir la porte. Le sourcil droit relevé elle me fait remarquer: « As-tu oublié ce que t’a dit Olivier l’autre jour ? Les filles, on leur fait la bise. »

Elle ne bouge pas et son sourire en coin me fait comprendre qu’elle attend que j’agisse comme les autres garçons.

En guise d’excuse je lui dis : « Tu sais chez nous la bise correspond plus à l’expression visible d’un lien qui rapproche deux personnes, qu’à une poignée de main.

-Ha bon ! Tu ne veux pas me la faire alors ? » C’est maintenant elle qui me tend la main.


Quel idiot je fais ! Heureusement, il me semble passer en pilote automatique. Le dialogue muet de mon cœur avec le sien m’encourage à passer au-delà de mes habitudes.

Je ne comprends rien à ce qui se passe, à ce qui me pousse. Je me vois au ralenti lui prendre sa main, et m’avancer pour poser sur sa joue une délicate bise dans laquelle je voudrais qu’elle ressente l’expression de toutes mes émotions.

Je lance un : « A la prochaine! » dans lequel mon cœur essaye de m’imposer l’expression de sentiments plus voyants. Pourtant je reste son maître, et tout en le domptant, je laisse derrière moi Isabelle en refermant la porte du sous-sol.


Me voilà à l’extérieur. J’ai envie de courir, sauter mais on pourrait m’observer depuis les fenêtres de la maison. C’est donc d’une démarche qui se veut assurée que je quitte le territoire de ma première victoire. Je retrouve ma bicyclette où je l’avais laissée. Alors que je l’enfourche, j’aperçois de l’autre côté de la rue, Christelle qui depuis la coure de sa maison me fait un au revoir de la main. Je ne lui réponds que d’un petit signe.

Il serait mal venu qu’Isabelle me voit et pense que je ne fais pas de différence entre elle et son amie.


Je reprends la route de Flagey avec l’objectif de trouver Olivier. Je ne lui raconterai pas ce que je vis en ce moment, mais je l’informerai du fait qu’en le cherchant, je suis allé chez Isabelle. Pendant que je pédale, l’air qui me caresse le visage me laisse ressentir le bonheur de vivre.

Je roule le regard dans le vague, mais débordant de toute la beauté que le paysage traversé m’envoi. Le plaisir des yeux est à l’unisson de mon cœur, qui dans son espace intime anime une fête discrète.

Pourtant dans la cohue de mes pensées qui essayent de gérer, classer, et analyser ce que je viens de vivre, surgit un signal de prudence.

Comme l’entrée discrète d’un ver dans une pomme qui peu à peu gâte le fruit, il jette un voile de doute dont l’importance fait taire la fête qui battait son plein.

J’arrête de pédaler et laisse mourir la vitesse de mon vélo pour m’arrêter pensif au bord de la route. La maison d’Olivier est en vue, mais je ne vais pas plus loin. Je prends une autre direction pour rejoindre Vougeot.

L’engrenage de mes pensées manque soudain d’huile. Il se grippe sur une question : Pourquoi Olivier ne m’a t-il pas dit qu’il était dans la classe d’Isabelle ? Pourquoi ne m’a t-il pas dit qu’elle était malade cette semaine ?

J’arrive dans le parc de Vougeot. Dans les bois qui l’entourent, j’ai un coin « à moi », sous un grand acacias entouré de buis. J’aime me retrouver dans cet endroit où le calme et les parfums environnants m’ont toujours comblé.

Je m’étends sous l’arbre les mains croisées sous la tête, ferme les yeux et je me laisse porter par le plaisir d’être ici.


En sursaut j’ouvre les yeux, la lumière du jour à baissé, j’ai dû m’endormir un peu, calmant la bataille qui naissait en moi.

Je retrouverai lundi Olivier et je saurai lui poser les bonnes questions. Demain dimanche je ne pourrai pas retourner chez lui et à Vosne Romannée, un repas de famille nous attend à Pontailler.

Et si Olivier était amoureux d’Isabelle? N’est ce pas pour cette raison qu’il évite de me parler d’elle ? Pour m’empêcher de mieux la connaître, de l’approcher ?

C’est un beau dimanche de mai. Nous roulons en direction de Pontailler Sur Saône, dans la voiture que conduit Papa. Seulement il me tarde déjà d’être de retour.

Ces repas de famille commencent à me peser, je préférerais être avec mes copains. Là il me faut patienter à l’arrière de la voiture avec ma petite sœur et mon petit frère.


Mais j’ai le sens de la famille. Il y a longtemps que j’ai compris que la nôtre dans son ensemble, est particulière. Tous mes camarades ont de nombreux cousins, ont encore plusieurs grands-parents vivants, et connaissent les lieux où ont vécu leurs aïeux.

Chez nous le groupe familial est limité à mes parents, mes frères et sœurs, et mon oncle ma tante, mes deux cousines et mon cousin.

Ce petit monde a dû quitter le Maroc dans les années soixante. Nous sommes ce que l’on appelle des pieds-noirs. Mes aïeux ne sont pas d’ici mais d’un pays que je découvre au travers de ces réunions de famille, lorsque parfois nos parents reviennent sur leur histoire passée.

Je profite de ces instants pour comprendre, imaginer et construire la vie de mes ancêtres.

Ma grand-mère maternelle, la seule de mes grands-parents que j’ai connue, est décédée lorsque j’avais dix ans.

Je l’aimais beaucoup, et d’y penser me fait encore monter aux yeux les larmes de la peine. J’étais trop petit pour lui poser des questions sur leur vie « d’avant ».

Quelques photos en noir et blanc complètent l’idée que je me fais du pays où je suis né. Certaines présentent de vastes paysages arides et sauvages. Elles ont marqué mon esprit. C’est peut-être pour cela que mon côté « indien » a dûu naître, comme mon besoin de montrer que j’existe.

Gaby et Francis eux sont nés en France.


Mais aujourd’hui j’ai la tête ailleurs. A table ma tante me fait remarquer que mon air absent et pensif me donne l’air d’un amoureux. En rougissant je réponds: «bien sur que non ! »

La journée est encore plus longue que d’habitude, mes cousines et cousins plus âgés que moi ne restent pas après le repas. La télévision, les livres ou les jeux de société, parfois le visionnage de films fait par mon oncle sont les seules occupations de ces moments en famille. Aujourd’hui elles ne suffisent pas à m’occuper l’esprit.

En fin de journée, sur le chemin du retour maman me dit que je devrais travailler pendant les mois d’été. Cela me permettrait de gagner un peu d’argent. Elle m’annonce avoir déjà fait les démarches, pour vérifier si je pouvais obtenir une place dans une fabrique de cassis près de Vougeot.

Voilà une nouvelle qui va perturber mes habitudes. Gaby me dit : « tiens, tu ne vas pas venir en vacances avec nous alors ? »

Etonné je demande : «Vous allez me laisser seul à la maison ?

-Tu es assez grand pour te débrouiller seul maintenant, me répond maman.

Tu vas avoir quinze ans. Il y a longtemps que tes copains travaillent pendant les vacances. »

Que d’événements ces temps ci. Après avoir découvert l’existence d’Isabelle, voilà qu’un projet de travail estival va perturber mes habitudes. Je ne me suis pas préparé à cette transition. Je vais devoir entrer dans un monde d’adulte où je n’ai aucun repère. Ma seule expérience du travail est un ou deux week-end de vendanges, et elle n’est pas heureuse.


Lundi matin, je retrouve Isabelle dans le bus. Plus exactement c’est elle qui vient s’asseoir prés de moi.

Nous nous disons bonjour sans nous toucher. Elle engage la conversation et me demande si je suis bien rentré après être parti de chez elle. Sans le savoir, elle me fait plaisir en me rapportant que sa maman me considère comme un garçon bien poli.

Moi je lui apprends les derniers évènements relatifs à un futur travail cet été. Elle trouve cela génial. Elle sait qu’Olivier à travaillé l’été dernier dans une fabrique de cassis à Gilly, et se demande si ce n’est pas là aussi que je vais aller. Nous nous séparons à l’entrée du collège.


Une étrange impression m’habite, j’essaye de la déchiffrer. Mais elle passe je l’oublie.

Olivier à rejoint sa classe, je l’aperçois sur les rangs avant d’entrer en cours. Il parle à Isabelle.

Aujourd’hui il y a sport. Ma classe et celle d’Olivier sont ensemble durant ces heures.

Pourquoi n’ai-je jamais fait attention à la présence d’Isabelle ?

Lorsque nous nous rassemblons pour rejoindre le gymnase, je prête attention au rang des filles. Effectivement elle est là aussi.

Olivier viens vers moi avec me semble t-il, un air moqueur. « Alors, tu me cherchais samedi? »

Qu’est ce qu’il essaie de me dire ? Que je ne suis pas allé jusque chez lui où je l’aurais trouvé ? Que j’ai utilisé ce prétexte pour aller voir sa copine ?

Alors que nous entrons au vestiaire, mon professeur de gym me demande de venir l’aider. Je laisse Olivier.

Je reviens pour me changer, Olivier m’a attendu alors que les autres sont déjà dans la salle. Tandis qu’il me regarde, je lui demande si tout va bien. Il me répond en me demandant de contracter le muscle de mon épaule.

Pfff ! Qu’est-ce que c’est que ça encore ? Je la lui montre, mais je ne sais pas à quoi correspond « contracter l’épaule ».

A son tour il soulève la manche de son tee-short et me fait voir le muscle qui va de son coude à l’épaule. Je clôture cette séance en répondant que c’est bien, sans savoir en fait ce qu’il y a de bien. C'est vrai les muscles de son bras doivent être mieux dessinés que le mien, grand bien lui fasse ...


Dans la salle nous retrouvons nos camarades. La séance va commencer par le grimper de corde chronométré. Le cœur battant, je vois qu’à l’autre bout du gymnase, les filles vont faire la même chose. Isabelle est là.

C’est mon tour de passer l’épreuve. Nous grimpons par deux et comme toujours Olivier et moi sommes partenaires dans cet échange compétitif. Le prof va donner le départ, Olivier qui joue de son bras me regarde, sourire en coin.

Top c’est parti. Je m’élance avec l’envie d’arriver le premier, je pense que peut être Isabelle nous observe.

Je rassemble mes jambes, tire sur mes bras, en rythme, en accélérant et sans bavure. Top, je touche déjà la ligne noire en haut de la corde. Olivier aussi.

Je crois que nous sommes encore arrivés ensemble. Je redescends en voyant qu’Isabelle regarde dans notre direction. Olivier est au sol avant moi. Les temps sont annoncés. J’ai une seconde d’avance sur lui, et Isabelle a entendu. La c’est moi qui jubile. J’essaye de ne pas trop le montrer.

En fin de séance le prof qui devine notre amicale rivalité me dit : « meilleur temps, c’est bien ! »


Rédiger un commentaire sur ce texte Votre avis sur ce texte … (2 commentaires)
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Agnès Chêne

Le 09 mars 2008 à 10:49

On se laisse porter par la lecture et on a envie de connaître la suite;récit très agréable.Merci

Amicalement

Agnès
Remonter au texte | #845

Avatar de Vagabonde

Vagabonde

Le 17 mars 2008 à 22:07

Bonsoir,
Je suis allée voir ton site et j'ai découvert que les droits de ton livre iront à une association.
Je salue ce geste,c'est une belle initiative.
Remonter au texte | #856


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