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Dans les cendres de l'Amour. (Chap. I - Part. 10)

Publié le : 05 janvier 2009 à 09:14 par ReneMax (Site web lien externe)
Catégorie : Nouvelles / Essais

C’était aussi l’occasion, quand j’attendais au bas de sa maison que Danielle soit prête et à notre retour de Nuits, de retrouver incidemment Isabelle.

Lors de ces rencontres je ne faisais qu’échanger avec elle des banalités, mais je gardais de cette manière le contact, essayant de paraître indifférent à sa présence ou à son absence. Essayant …

Décemment je ne pouvais continuer d’imposer de la sorte à Danielle ma présence lors de ses déplacements jusqu’à Nuits. Pas sans raison valable en tout cas, et vis à vis de Michel son ami, non plus.

Alors, je me suis inscrit dans la même auto-école, afin de passer la licence qui permet de conduire une moto de 125 centimètres cubes, limite que mes seize ans imposaient.

Je n’en avais pas vraiment l’utilité ne posédant pas d’engin de ce genre, mais le prétexte pour accompagner Danielle en devenait réel et je pouvais toujours dire que j’avais le projet d’acquérir prochainement une 125 cm3 et qu’en attendant, cela me permettrait de conduire la yamaha de Christophe sans avoir à me cacher.


Les jours donc continuaient de s’écouler ainsi, dans l’insouciance d’une jeunesse qui avance dans la vie avec ses hauts et ses bas, avec ses coups de gueule et ses coups de cœur.

Et ces jours qui lentement défilent font avancer l’année sans que rien ne change vraiment.

Le printemps et ses premières chaleurs étaient de nouveau là. La scolarité présentait aussi sa fin qui cette année imposait encore à l'échéance de la troisième, l’épreuve du brevet. Malgré l’immanquable stress que cet examen faisait monter, l’air du temps baignait dans une ambiance joyeuse.

Pourtant un soir où une fois encore je me rendais avec Danielle au code, j’ai senti qu’un drame se jouait.

Pour avoir petit, partagé la chambre avec ma grande sœur, j’ai appris inconsciemment à reconnaître la peine qui habite le cœur d’une fille.


Ce soir là, j’attendais comme à chaque fois devant sa maison le moment où elle allait surgir pour, sur sa bicyclette, venir me retrouver. Habituellement je la voyais arriver vive, souriante, une plaisanterie en introduction à notre bout de soirée partagée. Mais cette fois, ce n’est pas moi qu’elle regardait en me rejoignant, mais le sol devant ses pieds. Le joli sourire qui illuminait son visage avait laissé la place à de la tristesse.

« Bonjour, on y va... » furent les seuls mots qu’elle a prononcés du bout des lèvres.

Je n’ai rien tenté pour essayer de savoir ce qui se passait. Je comprenais aisément que cette situation annonçait quelque chose d’inhabituel, de grave pour que dans cette famille où le rire est inné, Danielle que je voyais toujours joyeuse soit ce soir dans cet état.

Sa main accrochée à mon épaule nous avons parcouru en silence les quelques kilomètres qui nous séparaient de l’auto-école.

En route malgré ma discrétion, elle a remarqué que je voyais les larmes qui troublaient ses yeux. Jamais je ne l’avais vue ainsi, et dans un sourire forcé elle a essayé de me faire croire qu’un moucheron lui avait touché un œil un peu trop fort.


Par respect je suis resté discret, mais au fond j’espérais que l’amicale complicité que nous partagions depuis quelques mois l’aurait encouragée à me parler pour se défouler ou soulager un peu sa peine, si bien sûr c’était possible.

Arrivé à destination j’étais maintenant gêné d’être le témoin de cette souffrance silencieuse. C’est pour cela que je l’ai laissée rejoindre seule les bancs de l’auto-école.

« Tu ne viens pas Max ?

- Non pas ce soir, je n’ai pas assez révisé, je vais faire trop de fautes. Vas-y, j'attendrai là dehors que tu finisses. »

Mon excuse était fausse car comme à chaque fois j’avais bien préparé cette séance de code, mais ce soir j’aurais eu trop de mal à me concentrer en cherchant à comprendre ce qui avait pu se passer pour que Danielle soit en pleurs.

Je me suis donc installé par terre pour attendre comme un gros toutou que l’heure du retour arrive.

A Vosne, en attendant qu’elle sorte de sa maison, je n’avais rien remarqué de spécial, ni entendu de cris laissant supposer qu’une dispute pouvait être l’origine de son état, et une dispute ne l’aurait pas empêchée de lancer ses habituelles plaisanteries.

Non! quelque chose de plus personnel devait la toucher, mais de quoi pouvait-il s’agir?


A la sortie de sa leçon elle avait l’air un peu mieux et affichait un sourire que la tristesse de ses yeux faisait mentir.

Sur le chemin du retour elle essayait aussi de me donner le change en me racontant un peu sa journée, mais sans conviction.

« Tu sais, lui ais-je dit, je préférerais que tu m’annonces que quelque chose ne va pas et que cela ne me regarde en rien, au lieu d’essayer de me faire croire le contraire. »

De nouveau j’ai vu les larmes couler sur ses joues. Je me suis senti idiot, je m’en voulais, et déjà nous étions en vue de sa maison.

« Arrêtons nous là un peu Max, je ne veux pas rentrer les yeux rougis.

-Danielle écoute, je ne veux pas savoir ce qui t’arrive si tu penses que cela ne me regarde pas. Je veux juste que tu oses me demander de l’aide si tu es dans le besoin, c’est tout. Ce soir garde le silence, je pense que c’est mieux ainsi.»

Je suis arrivé à sortir quelques bonnes grosses plaisanteries qui ont eu pour effet de la faire rire, et ses larmes séchées nous nous sommes séparés.

Cette fin de journée c’est perplexe que je rentrais chez moi, commençant à douter de l’estime que pouvait me porter Danielle.

Le lendemain samedi je tenterai d’obtenir des nouvelles. Je ne pouvais supporter l’idée qu’elle puisse souffrir sans que j’ai essayé de lui venir en aide.


Dans ce temps qui passe, j’arrivais à ne pas trop m’éloigner de la famille Souvignet. Retrouver régulièrement Danielle me permettait d’être présent chez eux, j’arrivais de la sorte, à ne pas trop me soucier de ce que l’avenir me préparait avec Isabelle ; relations plus distantes encore ou rapprochement amical ?

Je me laissais porter par les évènements, mes pas dans les paroles des chansons de Gérard Lenormand.

Olivier lui qui préférait les groupes tels que King Grimson, Ac/Dc, ou Kiss, ne manquait pas de se moquer de ce côté sentimental que j’exposais lorsque je déclarais le genre de musique que j’écoutais.

Le petit groupe que nous formions, Christelle, Christophe, Isabelle,Olivier et moi, continuait de vivre au travers des sorties que nous avions : au café de Boncourt, au bal, au cinéma à Dijon, des balades que nous faisions à pied ou à cheval, ou en se regroupant chez l’un ou chez l’autre. Groupe dans lequel je me sentais vilain petit canard malgré l’ambiance, malgré les rigolades …. Autour de moi, mes compagnons de ces moments avaient l’air heureux de vivre.


Samedi après-midi je suis revenu à Vosne. Je savais qu’à un moment, j’allais avoir l’occasion de rencontrer Danielle, ce qui en réalité n’a pas tardé à se produire car à l’instant où j’arrivais devant sa maison, elle sortait de la cour pour se rendre à pieds au commerce du village. Danielle a accepté que je laisse ma mobylette et l’accompagne.

Après avoir échangé quelques plaisantes banalités, un peu de silence s’est installé entre nous. Elle avait toujours l’air aussi grave que la veille, marchant malgré son attitude désinvolte le regard fixé au sol, jusqu’à ce que nous arrivions à l’épicerie but de sa sortie. Là, après avoir réalisé ses achats, Danielle m’a proposé de continuer de marcher un peu par les chemins de vignes avant que nous retournions chez elle. Je devinais qu’elle se préparait à me dire quelque chose et acceptais sa proposition.

« Bien sûr que je veux continuer avec toi, mais tu me laisses porter tes courses. »

Aujourd’hui encore la météo était avantageuse et le beau ciel bleu qu’elle donnait à cette journée positivait tout ce que je voyais, tout ce que je ressentais. Danielle me semblait en difficulté et j’étais prêt à affronter ce qui pouvait la perturber, ne serait-ce que pour lui rendre son sourire.

Nous arrivions dans une petite ruelle quand Danielle s’est arrêtée.

« Comment la trouves tu Max ?

-Comment je trouve qui ?

-Là, cette maison tu la trouves comment ? »

Danielle me désignait la maisonnette qui nous faisait face de l’autre côté de la ruelle. Construite en pierres comme toutes les maisons anciennes de ce village et comme elles le sont toutes dans nos villages de la Côte; cette maison qui me semblait petite ne manquait pas de charme.

« Vue de l’extérieure je l’aime bien, à qui est-elle ?

- Viens continuons de marcher, je ne veux pas trop rester là. »


Je l’ai suivie sans rien dire, et nous sommes arrivés sur le chemin des vignes, situé un peu derrière la maison qu’elle m’a désignée. Là, nous nous sommes assis sur le muret de pierres sèches clôturant cette parcelle de vignes qui borde la route.

Devant nous s’étendait le village dont les maisons nous présentaient en partie leur toit, et en limite droite et gauche, le ruban noir de la route nationale sur laquelle défilaient les voitures de passage. Juste derrière cet ensemble, nous pouvions apercevoir la maison de ses parents.

A mes cotés, Danielle tentait encore un sourire qui ne pouvait cacher la crispation de ses traits.

« Merci Danielle de m’offrir cette balade, c’est joli ici, et c’est du bon temps pour être dehors.

- Oui ! Alors la maison tu la trouves vraiment sympa ? Elle n’est pas trop renfermée dans une ruelle ?

-… ? Non je t’assure, ça pourrait même être la maison d’une fée.

- C’est là que je vais habiter maintenant! Bientôt...

- Comment ça ? Tu ne veux plus rester chez tes parents ? Tu as envie de partir ?

-…..

- Danielle c’est quoi cette décision, tu t’es fâchée avec quelqu’un ? C’est pour cela que tes yeux pleuraient hier ?

- Je n’ai pas été très sympa avec toi Max. Tu as toujours un mot gentil, tu es toujours là pour donner un coup de main, et moi je ne voulais pas te mêler à mes histoires.

- Ne t’inquiètes pas pour moi, mais de quelles histoires parles-tu ?

-...... Max je suis enceinte."


Un coup de masse sur la tête ne m’aurait pas plus ébranlé. Du cœur au cerveau, cette annonce me parcourait et me secouait avec force. J’avais du mal à croire ce que je venais de comprendre; Danielle, « ma » Danielle était dans une situation qui n’avait rien de bénin.

Elle était soudainement plongée de force dans l’avenir que son destin lui avait préparé. Quelle que soit la méthode employée il venait de la prendre par la main de la pousser à l’eau en lui disant, vas-y ! C’est à toi maintenant.

Ma surprise était totale ; de surcroît, bien que je ne me sois jamais vraiment posé la question, je réalisais alors que la relation entre Danielle et Michel était plus importante que le flirt auquel j’avais pu songer. Un instant même un éclair de colère m’a traversé l’esprit ; j’ai imaginé qu’il avait pu abuser de la confiance de Danielle. Puis à la réflexion, il me semblait les connaître assez pour être certain que ce n’était pas le cas.

Je n’ai laissé qu’une seconde de mon temps à ces pensées. Je devais songer à bien réagir pour que Danielle qui était à mes côtés ne se sente pas plus en difficulté. J’imaginais à quel point en parler ne devait pas lui être facile.


« Mais c’est une belle nouvelle que tu m’annonces là Danielle. La vie veut que tu deviennes maman. …. Merci aussi de la confiance que tu me portes. Tu veux m’en dire un peu plus ?

- A la maison c’est dur avec maman qui n’imaginait pas du tout cela. Tu comprends sa fille …. Elle nous a toujours dit qu’avant le mariage nous n’avions pas à nous toucher Michel et moi, et là elle est devant le fait accompli. Je ne peux pas rester à la maison, pas avec ce qui m’arrive.

- Mais non ! N’exagère pas, et puis avec Michel vous avez sûrement déjà pensé à une solution adaptée.

- Non, tu comprends c’est un accident ! Je ne suis même pas certaine que Michel veuille actuellement d’une vie en couple, ce serait même le contraire et je ne veux pas l’obliger. »

Dans ma tête les rouages de mes pensées tournaient à plein régime, je cherchais comment lui donner confiance en l’avenir.

Moi qui espérais pouvoir lui venir en aide….. Mais que pouvais-je faire du haut de mes seize ans face à un tel bouleversement de vie. Y avait-il même quelque chose à faire ?

Je me suis levé et Danielle m’a laissé lui prendre la main pour l’inviter à reprendre notre balade.

« La maison alors, c’est là où tu penses vivre avec Michel ?

- Avec ou sans lui, oui. De toute façon, je n’ai pas le choix.

- Ne t’inquiète pas pour l’avenir Danielle, moi je sais que tu seras une super maman.

Tu verras, et en plus ça te va très bien. »


Je lui avais lâché la main, son sac de courses dans l’autre, nous reprenions la route qui nous ramenait à la maison de ses parents.

« Max tu n’en parles à personne, pas même à Isabelle s‘il te plait. »

Je l’ai laissé devant chez elle, je ne voulais voir ni sa sœur ni sa maman et encore moins Michel.

Danielle si joyeuse si gaie, de la sentir au bord des larmes me rendait un peu agressif. Il me fallait prendre le temps de gérer cette nouvelle à tête reposée. Je voulais aussi trouver le moyen de l’aider, quel qu’il soit.

Je suis resté volontairement éloigné de la maison Souvignet toute une semaine.

Un bouleversement complet surgissait dans la vie de Danielle, j’avais du mal à gérer ce qui arrivait, du mal à penser à tout ce qui allait changer, je pensais que pour elle cela devait être pire.

Ne savait-elle vraiment pas ce que Michel allait faire ? Je crois que c’est cela qui me tenaillait le plus. Imaginer que Danielle, la gentillesse incarnée allait se retrouver dans une situation qui pouvait être désespérée, désarmée, seule face à cette nouvelle vie.

Toute cette semaine j’ai donc essayé de faire le point sur ma vie aussi, sur ce que j’avais comme projet pour l’avenir, sur mes vrais désirs. Ce bilan réalisé, j’ai pu avoir une vision assez claire de ce que je pouvais faire pour Danielle.


Un samedi après-midi je suis retourné la voir, j’avais une proposition à lui soumettre qui lui permettrait d’être moins seule pour affronter ce qui lui arrivait. De nouveau nous avons pu partager quelques instants lors d’une promenade.

« Danielle avec Michel où en es-tu ?

- Je ne sais pas vraiment. J’ai l’impression que ses copains ont plus d’importance pour lui. Il s’est un peu renfermé et ne me dit rien. »

C’est encore les larmes retenues que Danielle m’a dit cela, et la voyant triste comme elle l’était, je n’ai pas hésité.

« Danielle ne pleure pas. Je ne veux pas que tu sois malheureuse, je ne veux pas que tu aies peur de l’avenir. Tu sais que je suis là pour t’aider.

-Je sais Max, je sais. Merci d’être là, mais tu ne peux pas grand-chose pour moi.

- Justement si Danielle...J’ai toujours aimé les enfants, et je suis prêt à donner mon nom à celui que tu attends, prêt à être le papa de cet enfant pour ne pas que tu sois seule à l’élever.

-… ! Non ce n’est pas possible, ne dit pas cela Max !

- Je t’assure que c’est ma décision Danielle, tu sais que tu peux compter sur moi. Je ne te parle pas d’amour, mais d’une aide pour ces années à venir. »


Le silence est tombé sur les pas de notre promenade, les larmes de Danielle nous ont encore accompagnés. Je n’arrivais pas à distinguer ce qu’elle pouvait penser. De mon côté, je me préparais. Préparais à un éventuel oui. Les conséquences auraient été immédiates.

Annoncer ma décision à la maison, arrêter peut-être l’école pour trouver du travail. Tenir le rôle d’un homme et oublier l’adolescent que j’étais.

En fin d’après-midi nous nous sommes quittés sans en avoir dit beaucoup plus. Danielle m’a une nouvelle fois remercié et il m’a fallu patienter quelques jours encore pour connaître sa décision.

Je n’ai rien dit ni chez moi, ni à Christophe. Danielle m’a quelques jours plus tôt demandé de ne parler de sa situation à personne.

Une certaine angoisse occupait une bonne partie de mes jours, le trac plus exactement. Je n’ai absolument pas regretté ma décision. Je l’ai prise sous la conduite du cœur comme toujours. C’est celle qui me semblait la plus évidente pour éviter que Danielle reste seule face à sa situation, mais tout de même, je m’interrogeais et m’inquiétais sur ma réelle capacité à subvenir à ces besoins. Je ne manquais pas de courage mais d’expérience.

J’ai attendu la leçon de code suivante pour retrouver Danielle; une semaine s’était écoulée sans que je sache ce qu’elle avait décidé.

Nous avons cette fois encore fait le trajet jusqu’à Nuits ensemble et sans aborder ce sujet. Pourtant l’envie de lui poser la question me brûlait les lèvres. C’est parce que je la sentais différente, plus détendue, que j’ai patienté encore un peu.

Sur le chemin du retour, avant d’arriver, j’ai fini par lui poser la question :


« Danielle j’ai l’impression que tu vas mieux, cela me fait plaisir. Il y a du nouveau pour toi ?

- Oui Max. Je suis heureuse, les nuages s’écartent, je suis soulagée, mon Lou m’a demandée en mariage.

-…..Mais c’est formidable ! Effectivement c’est une très bonne nouvelle ! Je retire donc la proposition que je t’avais faite.

- Max tu es fou ! Te rends-tu compte de ce que tu m’a proposé ? Tu aurais sacrifié tes envies tes projets pour moi ? Ce n’est pas possible !

- C’était vraiment sincère Danielle et cela n’aurait pas été un sacrifice. Maintenant je préférerais que l’on en parle plus. »

J’étais heureux pour Danielle, elle allait rester avec celui qu’elle aimait ; quant à moi j’étais à la fois soulagé et déçu.

Soulagé de cette pression qui disparaissait de mes épaules; déçu car j’avais beaucoup de tendresse pour Danielle, je sentais même poindre une once de jalousie, jalousie alimentée par la crainte que Michel ne l’aime pas vraiment, se sente obligé d’accepter ce mariage et au final ne la rende pas vraiment heureuse.


La cérémonie a été rapidement décidée, j’ai été invité au mariage. Dans le fond de l’église, alors que le prêtre officiait, je cherchais encore à déterminer si Michel était sincère ou non.

J’en concluais que oui certainement, et lorsque qu’est arrivé le moment des félicitations, en lui serrant la main, les yeux dans les yeux d’un air qui se voulait une mise en garde, je lui ai dit :

« Surtout Michel, prend bien soin d’elle, et toujours. »

Car moi je l’aurais fait pour toujours.

Peu s’en est fallu que je sois à son bras, peut-être…..

Au final, je n’ai jamais su ce que Danielle a pensé de ma proposition, je les ai aidés à aménager leur maison, puis la vie a repris son cours. Danielle à obtenu son permis, moi ma licence.


Je ne suis le héros d'aucun livre, mais tout de même le héros de ma vie.

Mes concepts sont peut-être d'une autre époque, peuvent choquer ou paraître déplacés, couverts de la poussière du temps, mais ils sont ceux que je respecte.

Ils sont ceux qui font ce que j’ai été, ce que je suis.

Ils n’ont eu comme guide que le cœur qui les fait vivre, et brillent de l’Amour qui les nourrit.

C’est ainsi que ma vie déroule le fil de ses jours ; c’est ainsi que j’aime, ris ou pleure, ignoré de ceux qui m’entourent, invisible à leurs yeux tellement je cherche à ne pas les effrayer par le décalage que mes pensées pourraient produire.


Le temps de l’orientation scolaire est là. Il nous faut choisir où poursuivre nos études à la sortie du collège, choisir l’avenir professionnel qui sera le nôtre.

Je vais prendre la deuxième grande décision de ma vie. La première était pour Danielle.

Quel sens donner à mes études ? Je n’ai aucune idée de ce que je ferai dans l'avenir. J’ai déjà pensé être chanteur, chauffeur routier, militaire, garde forestier, moniteur d’auto école, astronome, scientifique, baroudeur, archéologue et bien d’autres encore.

Mes résultats me permettent de continuer dans la voie littéraire, de passer un BAC G. Mais pour faire quoi ? Avocat, professeur, notaire ?

J’aime bien tout ce qui est bricolage, électronique, chercher et réfléchir pour trouver les solutions à un problème posé.

De ces deux choix je n’aurais pas d’autre résultat que de perdre de vue Isabelle. Elle souhaite préparer un diplôme de comptabilité et de fait ira à Beaune, alors que moi mes choix me porteront soit à Brochon pour le BAC, soit à Chalons en internat pour l’électronique. Je n’arrive pas à accepter cette fatalité.

Olivier a opté pour des études d’électromécanicien au lycée de Beaune lui aussi. Son choix est la solution à mon dilemme, je ferais comme lui. Après tout, l’électronique n’est pas très loin de l’électromécanique.

Alors pour avoir encore la possibilité d’être avec Isabelle, j’oriente mes études sur une formation d’électromécanicien.

Je ne le sais pas encore, mais lorsque je signe cette décision d’orientation elle aura pour conséquence qu’Olivier et moi soyons dans la même classe et que je sois matin et soir dans le transport scolaire emprunté par Isabelle.


Je n’arrive pas à trancher dans les sentiments que j’éprouve pour Isabelle. L’esprit occupé à accompagner et protéger de loin Danielle m’a pendant quelques temps soustrait au feu qui brûlait en moi. Mais il est bien présent.

Je ne sais plus que faire pour avoir l’occasion de la rencontrer. Christophe vit sa petite vie avec Christelle, Olivier a ses occupations, moi je me plonge dans l’écoute des chansons de Gérard Lenormand.

Je ne sais si elles jouent le rôle d’un baume apaisant ou si au contraire, sans que j’en sois conscient, elles alimentent en combustible l’incendie qui me dévore .

Quoi qu’il en soit, je reste seul. Je n’ai même pas l’idée de rencontrer d’autres personnes et pour quoi faire ? Je sais que sur ce chemin nos cœurs se sont trouvés. Je ne contrôle pas leur invisible dialogue, Isabelle a encore moins conscience de ce qui se joue, mais ils nous tiennent tous les deux par la main, nous guidant vers notre destin, donnant à notre vie la leçon du moment.

Notre petit groupe continue de fonctionner, de sorties en rigolades. L’été s’annonce comme celui de l’an passé. Je retourne travailler dans la même entreprise, Christophe et Olivier n’y seront pas cette année. La piscine, le plan d’eau de Saule Guillaume et les cabanes à frites seront aussi au rendez-vous de cet été.


Depuis quelques temps je sens Isabelle plus proche, un peu soucieuse aussi. Elle m’entretient sur des sujets qui la concernent personnellement.

Je sais aussi que je n’ai rien à attendre d’elle, je me confine dans une réelle amitié en tenant le rôle de confident lorsque cela s’avère nécessaire. Les évènements de la vie de Danielle ont un peu bousculé l’ambiance qui régnait chez eux et de ce fait, Isabelle naturellement me faisait part de ses incertitudes.

Je n'ai rien a attendre d'elle, mais j'ai toujours ce feu au cœur, cette impatiente de la retrouver, cette douleur lorsqu’il faut la laisser. Rien à attendre mais avec au fond, l’espoir que peut-être je serais celui qu’elle doit trouver.

Puis un soir où nous marchons de nuit sur les chemins de Vonse à Flagey, Isabelle m’annonce :

« Max, je sais que je peux tout te demander, pourtant il y a quelque temps que j’essaye de te dire quelque chose et je n’y arrive pas.

- Ce n’est rien de grave ? Je pensais à Danielle en disant cela.

- Non, je veux juste te parler de quelqu’un, un autre garçon.

-… ! »

Je n’ose rien dire j’attends la suite en ayant peur d’avoir compris.

« Je peux, cela ne te dérange pas ?

- Bien sûr que non, allez n’hésite pas plus longtemps !

- Voilà, en fait l’été dernier lorsque nous étions en vacances j’ai fait la connaissance du fils des amis de mes parents... C’est de lui dont je veux te parler.

- Tu vas me dire que tu es amoureuse et qu’avec les vacances qui reviennent, tu vas le revoir.

-… ? »


Sourcil droit relevé Isabelle me regarde l’air étonnée.

« Non je n’étais pas au courant, ne sois pas inquiète.

- Oui j’aimerais le revoir, mais maman ne voudra jamais.

- Comment as-tu fait depuis l’été dernier, vous êtes-vous revus ?

- Occasionnellement lorsque nos parents se retrouvent, mais nous nous sommes écrits souvent. »

Je reste un moment éteint, j’aurais voulu cette nuit me sauver en courant, la laisser là. Après mon ascension, après mon arrêt brutal, ma chute.

Alors que je me trouvais encore suspendu dans ce vide entre le sommet de cet amour qui m’avait poussé si haut et le vide sous mes pieds, je venais de sentir que quelque chose avait lâché. J’étais en chute libre sans rien pour me retenir, vers la dureté d’un sol que j’allai percuter de plein fouet.

Je ne veux qu’elle... Je ne veux qu’elle et je suis le témoin involontaire de son cœur qui s’ouvre, qui se tourne vers un autre.

Il fait nuit, Isabelle ne voit pas les larmes qui bordent mes yeux.


« Max ça va ?

- Bien sûr tu sais je ne suis pas vraiment surpris, c’est normal. Donc tu cherches à le revoir c’est ça ?

- Oui.

- Bien!... mais moi qu’est-ce que je viens faire là ?

- Il habite Beaune, jamais maman ne me laissera aller à Beaune seule, mais avec toi oui.»

Ma chute vers le sol venait de prendre fin, arrêté par la dureté du sol sur lequel je venais de m’écraser. Je m’étais toujours plus ou moins attendu à cette situation, et malgré cela cette annonce me sonnait pour de bon.

Notre balade s’est poursuivie sans que je ne laisse rien paraître. Nous avons même continué de discuter, cherchant la manière d’opérer pour arriver à convaincre sa maman de nous laisser aller à Beaune. Nous ne manquions pas d’imagination.

Je suis rentré chez moi bien tard ce soir là, et si quelqu’un avait pu voir mon être intérieur, il aurait eu devant lui un jeune homme en béquilles, les membres plâtrés, couvert de bandages jusqu’à la tête; mais plâtrés ne veut pas dire morts.

J’avais décidé de continuer cette vie pour Isabelle puisque mon cœur battait toujours aussi fort pour elle, décidé de l’aider dans ses démarches.

Accepté aussi de trahir pour elle, la confiance que madame Souvignet mettait en moi.

Ce soir là avant de me forcer à dormir, j’ai pris les deux disques de Gérard Lenormand pour les briser à jamais.


A partir de ce jour je me suis mis à écrire. Dans un cahier d’écolier bleu, les pages se sont remplies de textes écrits au sang de mon cœur.

Cœur dans lequel l’incendie n’avait jamais cessé, mais qui ce soir comme sous un vent tournant, venait de se modifier.

D’un feu qui comme la lumière d’un phare était alimenté par l’énergie de l’Amour, il devenait incendie rageur, poussé par les vents de la peine, s’auto-détruisant par fin de combustible.

Ma seule envie ? Conserver l’occasion d’être auprès d’Isabelle.

J’allais donc l’aider. A deux occasions je l’ai accompagnée à Beaune, sous divers prétextes acceptés par madame Souvignet, lui permettant ainsi de rencontrer son ami Thierry.

L’une d'elle avec la complicité de Christophe, eu pour objet une fausse séance de cinéma du film « L’aile ou la cuisse.»

Christophe qui l'avait déjà vu, nous avait durant le trajet raconté l’histoire, pour nous préparer aux éventuelles questions que nous poserait madame Souvignet. Bien nous en pris car cette fois là, elle avait à notre retour voulu en savoir plus sur le film que nous avions vu.

Dans ces moments à Beaune, je laissais Isabelle à la porte de l‘immeuble où habitait son ami, puis passais mon temps à déambuler dans les rues de la ville avant de la retrouver à l’heure du retour. Je savais qu’avec son ami elle ne faisait rien qui aurait pu choquer la morale de sa maman, mais tout de même, il fallait que je prenne sur moi pour ne pas rentrer seul.


Isabelle avait besoin de partager un peu de ce qu’elle vivait, et pour cela nous nous retrouvions assez souvent. Parfois même j’étais présent en même temps que Thierry qui de temps à autres venait à Vosne visiter les amis de ses parents….

Nous faisions dans ces moments là nos balades à trois, voir à quatre quand Christelle nous accompagnait.

Isabelle m’avait présenté comme son meilleur copain, et Thierry qui était bien plus âgé que moi, certainement plus mûr d’un autre vécu aussi , se comportait agréablement avec nous.

Je me souviens m’être fait la réflexion qu’il avait l’attitude d’un scout ou d’un enfant de cœur. Ces soirées n’étaient pas désagréables puisque j’étais tout de même auprès d’Isabelle, même si ces fois là ce n’est pas à moi qu’elle tenait le bras.

Lors des vacances estivales cette année là, comme je me suis retrouvé une nouvelle fois seul tout un mois alors que mes parents prenaient du repos sur la côte atlantique, il est arrivé parfois que nos sorties nous conduisent à Vougeot, à la maison où nous pouvions disposer de tout notre temps sans être dérangés.

Je me trouvais alors en compagnie de deux couples : Christophe et Christelle, et Isabelle et Thierry. Chacun d’eux s’installait dans une pièce, une chambre, et moi je rejoignais dans le jardin la tente où j’aimais passer ces nuits d’été…..

Mon cerveau se déconnectait de cette réalité qui sans cesse me taraudait. Il se contentait de rendre service, d’être celui qui leur permettait de se retrouver, tout en sachant là encore que la morale était sauve car Isabelle et Thierry ne franchissaient pas une certaine limite.


Une autre fois j’ai voulu marquer l’esprit de Thierry. Pour son anniversaire je me suis un peu forcé à lui offrir un cadeau. Comme il fumait j’ai choisi de lui acheter un beau briquet or, paquet cadeau que j’ai confié à Isabelle.

Forcé, mais pas tant que cela en fait. J’avais avec ce geste un objectif : qu’il m’apprécie encore un peu plus et que ce cadeau reçu soit l’occasion pour Isabelle d’entendre parler de moi par une autre personne. Leur faire penser aussi que j’étais de ceux qui n’étaient pas invités ce jour là….

J’ai réussi au delà de ce que j’avais espéré. Thierry forcément très surpris de ce présent inattendu m’a en retour transmis ses remerciements.

Ils me sont parvenus sous la forme d’une cassette audio dans laquelle étaient enregistrées des chansons de Georges Moustaki et de Marie Laforêt. A ces chansons étaient ajoutées les paroles de Thierry qui m’expliquait : sa grande surprise de recevoir ce très beau briquet, ne pas comprendre le pourquoi ni comprendre à quoi il devait cette « estime.»

C’est avec Isabelle que j’ai écouté cet enregistrement.

Le feu qui en moi brûlait et brûlait encore, commençait à attaquer mes dernières barrières de protection. Bien que le centre de l’incendie reste d‘Amour, les flammes qui se répandaient devenaient destructrices, consumaient tout ce qu’elles touchaient.

Avec les béquilles, les plâtres et les bandages de mon être intérieur, je n’avais pas la possibilité de les fuir, figé, cloué que j’étais par cette situation que je n’arrivais pas à expliquer, par cette incompréhension de moi même.

J’essayais de me protéger en me réfugiant dans les pages de mon cahier où je tentais comme un pompier, de coucher sur ses feuilles les flammes de mon cœur que je pensais ainsi pouvoir étouffer.


1984 assis sur ma moto les premières voitures viennent stationner sur le parking de l’église. Des gens en costume que je ne connais pas, passent près de moi en se demandant certainement ce que fait ce motard si près de l’entrée.

Le prêtre que je connais bien lui, sort du presbytère, prend la direction de l’église puis s’arrête à ma hauteur.

« Bonjour Max! alors tu es de la fête ? Tu as peur d’attraper froid que tu ne rentres pas dans l’église ? Ou tu veux rentrer avec ta moto ?

- Mon père c’est vrai qu’il fait meilleur dehors sous ce soleil, et vous n’êtes pas loin de la vérité, je rentrerais bien avec ma moto, mais seulement parce que je n’ai pas été convié à cette cérémonie.

- Oui ! On me l’a dit, ne fait pas de bêtises... Mes prières iront vers toi Max. »

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« Personne ne sait que je t'aimais
par : ex-îlés
En une autre certitude »
par : CHRISTO



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