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Le trône d'Alicania

Publié le : 26 janvier 2010 à 10:37 par laurence15
Catégorie : Nouvelles / Essais

Les sages de Féériana racontent qu’il existe douze mondes parallèles

dans notre univers, et que chacun de ces mondes porte la vie.

L’histoire de Féériana tendrait à leur donner raison.


Chapitre 1

Du plus loin qu’elle se souvienne, Célima s’était toujours sentie différente. Et les habitants du petit village de Vincinal, où elle vivait avec son père, semblaient partager ce sentiment car ils les considéraient encore, après toutes ces années, avec la plus grande méfiance. Bien qu’ayant grandi parmi eux, elle se sentait étrangère et n’avait qu’une seule amie, Sophie, qui était arrivée dans sa classe de maternelle alors qu’elles étaient, l’une et l’autre, âgées de cinq ans. Célima avait prise sous son aile la timide fillette, la protégeant de la cruauté des autres enfants pour qui tout nouvel élève était une proie rêvée.

Elles étaient aussi dissemblables que le jour et la nuit : Sophie, à la peau dorée, aux longs cheveux blonds et aux yeux de velours sombre, et Célima, au teint de porcelaine, aux longues boucles noires comme de l’encre et aux immenses yeux d’émeraude en amande, aussi inséparables que les doigts de la main.

Leurs caractères étaient aussi diamétralement opposés. Autant Sophie était timide, effacée, peu sûre d’elle et réfléchie, autant Célima était rebelle, impulsive et pleine d’assurance. Elle se moquait totalement de ne pas être acceptée par les autres enfants et éprouvait pour eux, au pire du mépris, au mieux la plus profonde indifférence.

L’arrivée de la fillette blonde dans la petite école rurale, avait fait suite au décès de son père dans un terrible accident de voiture. Sa mère qui devait assumer seule ses deux jeunes enfants, avait accepté un emploi de gardienne-bonne à tout faire, dans l’un des deux châteaux de Carquenat, le village voisin.

Célima avait beaucoup de respect et d’affection pour cette femme courageuse, elle, qui n’avait jamais connu sa mère, morte en lui donnant le jour. Son père l’avait entourée d’amour et d’attention, mais elle se demandait souvent quelle aurait été leur vie si sa mère avait vécu.

Les deux orphelines s’étaient serrées les coudes tout au long de leur scolarité, de la maternelle au lycée, toujours complices et confidentes. Il était donc logique que Sophie soit témoin de l’évènement qui allait bouleverser l’existence de son amie à tout jamais.

Célima venait d’avoir dix-sept ans et son amie allait fêter les siens dans quelques jours. Deux mois plus tôt, les deux adolescentes étaient entrées en terminale et, en ce sombre et pluvieux après midi de novembre, elles se hâtaient de traverser la petite ville d’Alberac pour rejoindre le départ du bus qui devait les ramener dans leurs villages respectifs. Alors qu’elles pressaient le pas dans une rue piétonne encombrée de groupes d’adolescents bruyants et chahuteurs, un individu s’approcha d’elles, le visage en partie masqué par la capuche d’un sweat-shirt informe. Il les aborda sans complexe, les abreuvant de propos grossiers.

Sophie baissa la tête, feignant de l’ignorer et accéléra le pas, mais Célima, qu’une réprimande injustifiée d’un professeur mal embouché avait mise de méchante humeur, pila net et, rouge de colère, le remit à sa place avec mépris. Le grossier personnage se jeta sur elle, la saisit par le col de son manteau et la secoua violemment. La chaînette qu’elle portait autour du cou et à laquelle était suspendue une petite sphère d’obsidienne s’enfonça cruellement dans sa chair tendre. Dans l’espoir de se libérer de cette poigne brutale, Célima plaqua ses deux mains sur le torse de son adversaire et le repoussa de toutes ses forces. La chaînette se rompit brusquement et tomba sur les pavés. Au même instant, son agresseur fut projeté dans les airs et retomba cinq mètres plus loin dans une flaque d’eau. Il lui jeta un regard effaré et fit mine de se relever, mais à son propre étonnement, le jeune homme resta figé sur place, incapable du moindre mouvement, comme cloué au sol.

Stupéfaite, Célima se tourna vers Sophie qui la dévisageait avec des yeux ahuris. Un bruit lui fit tourner la tête vers l’inconnu, mais celui-ci s’était relevé et fuyait à toutes jambes.

-C’est quoi ce délire ? marmonna-t-elle en grimaçant.

Sophie haussa les épaules en secouant la tête puis se baissa pour ramasser quelque chose sur le sol. Elle tendit sa main ouverte à Célima qui y vit briller la petite boule noire. À son tour, elle voulut tendre le bras pour s’en saisir, mais le bijou vola seul jusqu’à sa paume ouverte, comme attiré par un aimant.

-C’est complètement dingue, ce truc ! s’exclama-t-elle.

-Ça, il n’est pas banal ton collier ! C’est le moins qu’on puisse dire ! Dis-moi, où as-tu appris à te défendre comme tu l’as fait tout à l’heure ?

Sophie contemplait son amie avec étonnement et admiration.

-Mais tu rigoles ! Je ne l’ai même pas touché, ce bouffon ! Il s’est envolé tout seul ! Et maintenant, c’est ma chaîne qui plane ! Y’a un truc dans l’air ou quoi ?

-Tu es peut-être télémachinchose, tu sais, les gens qui font bouger des objets par la pensée.

- Télékinésiste ! Ben alors ça serait nouveau ! En tout cas, papa va être dans tous ses états ! Ce bijou appartenait à ma mère et il tient absolument à ce que je le porte tout le temps! Il me l’a donné pour mes six ans et m’a fait tout un laïus comme quoi il était très important pour lui que je le garde toujours sur moi afin que maman soit toujours à mes côtés et me protège d’une certaine façon, blablabla… Là il ne va pas avoir le choix ! Je vais bien être obligée de le laisser chez un bijoutier pour le faire réparer.

Célima referma sa main sur le pendentif puis le glissa dans la poche de son jean. Perdues dans leurs pensées, les deux amies se remirent silencieusement en route.

Assise dans le bus, le front appuyé contre la vitre, Célima regardait défiler le paysage sans vraiment le voir. Elle repassait en boucle dans sa tête le vol plané de l’inconnu et essayait d’analyser ce qui lui avait traversé l’esprit au moment où il l’avait empoignée. La fureur s’était alors emparée d’elle et elle avait tenté de toutes ses forces de repousser l’odieux individu. Et c’est ce qui s’était produit ! Non seulement il l’avait lâchée mais il avait carrément été projeté dans les airs ! Et ensuite, alors qu’elle le toisait de toute sa hauteur, son sang bouillonnant dans ses veines, elle aurait voulu l’écraser sur le sol comme un insecte dégoutant. Or, pendant un instant, le type avait semblé incapable de bouger un orteil et il l’avait regardée comme si elle avait été un monstre ou une bête féroce. Bon, certes, après il avait détalé comme un lapin ; mais même ça, c’était bizarre ! C’était un costaud ce gars là, il n’aurait pas dû avoir peur comme ça d’une frêle adolescente ! À moins qu’il n’ait senti lui aussi qu’il se passait un truc bizarre.

Célima jeta un coup d’œil à Sophie et réalisa que celle-ci la contemplait d’un air songeur. Elle haussa un sourcil interrogateur et sa compagne lui sourit affectueusement.

Quand le bus arriva sur la place de la mairie, à Carquenat, la douce jeune fille blonde se leva et prit son sac, puis elle se pencha et déposa un baiser sur la joue de son amie.

-À demain ! Et…Célima, ne cogite pas trop… C’était qu’un gros nul ce mec, gros muscles et petit cerveau !

Célima lui rendit machinalement son sourire et la regarda descendre du bus avec un coupable soulagement. Puis, elle se cala contre le dossier de son siège et se prépara à affronter son père.


Chapitre 2

Lorsqu’elle poussa la porte d’entrée de la maisonnette qu’elle partageait avec son père, Célima entendit Charles Tandor fredonner dans son bureau. Elle referma silencieusement le battant derrière elle et se faufila dans le couloir sur la pointe des pieds, retardant le moment de lui faire de la peine. Elle savait que son père avait aimé sa femme à la folie et ne s’était jamais remis de sa mort. Parfois, elle se demandait même s’il ne lui en voulait pas à elle d’avoir causé son décès. Mais il avait toujours été un père aimant et attentif, qui faisait de son mieux pour faire vivre, dans le cœur de sa fille, le souvenir de celle qui lui avait donné la vie. Tout ce qui touchait à Avila était sacré pour lui et elle savait que l’incident du collier allait lui fendre le cœur. Bien que consciente que sa propre responsabilité n’était pas en cause et qu’une chaîne brisée n’était pas un problème majeur, elle appréhendait le moment où il lui faudrait affronter la peine et la déception dans le regard de son père.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Charles n’avait jamais levé ni la main, ni la voix sur elle, se contentant, quand elle désobéissait, de lui lancer un regard qui exprimait toute sa colère, sa tristesse ou, ce qu’elle craignait le plus, sa déception. Célima éprouvait pour son père un amour inconditionnel et un très profond respect. Elle était bien consciente que depuis la mort de sa femme, il avait mis sa vie entre parenthèses et ne vivait plus que pour et par sa fille, la fille d’Avila. Elle vivait dans la crainte de ne pas être à la hauteur, de ne pas mériter un tel sacrifice, et un seul regard déçu de son père lui faisait plus mal que n’importe quelle remontrance ou punition.

Elle allait poser le pied sur la première marche de l’escalier menant à l’étage où se situaient les chambres quand elle se reprocha tout à coup sa lâcheté. Charles Tandor méritait bien mieux qu’une fille qui se faufile en douce pour éviter de lui parler.

Changeant d’avis, Célima revint sur ses pas et passa la tête par l’embrasure de la porte du bureau.

-Coucou papa ! Ça y est, je suis rentrée !

-Ah ! Ma chérie ! Ça s’est bien passé ? Tu as eu des notes aujourd’hui ?

-Oui, j’ai eu un 18 en anglais et un 16,5 en maths.

-C’est très bien ça ! Et Sophie, elle s’en est bien sortie ?

-14,5 en maths et 8 en anglais. On avait bûché ensemble, mais je crois bien qu’en anglais, son cas est désespéré !

-Dis-lui qu’elle est la bienvenue si elle veut que je lui donne un coup de main.

-Sa mère n’acceptera jamais parce qu’elle n’a pas les moyens de te payer.

-Je ne parlais pas de cours d’anglais payants mais simplement de se joindre à nous lors de nos petites conversations dans la langue de Shakespeare.

-Je sais papa, mais tu connais Marie-Hélène ! Elle ne veut surtout rien devoir à personne dans cette vallée et je la comprends !

-Bon je passerai la voir et j’essaierai de lui faire comprendre qu’il ne s’agit pas de charité de ma part, mais simplement d’aider une jeune fille que j’aime beaucoup et qui le mérite. Et puis, je lui dois bien ça pour toutes les fois où elle t’a fait bénéficier de ses talents culinaires bien supérieurs aux miens !

-On ne peut pas être à la fois un génie des langues et un as de la cuisine, mon petit papa ! sourit Célima.

Charles sourit à son tour.

-À part ça, rien de neuf aujourd’hui ?

-Eh bien, euh… il nous est arrivé une petite mésaventure tout à l’heure, en allant prendre le bus place de la Paix. On marchait dans la rue piétonne quand un garçon a commencé à nous sortir des vannes dégoutantes. Je l’ai envoyé bouler un peu fortement alors ça ne lui a pas plu. Il m’a attrapée par le col et a commencé à me secouer comme un prunier !

Charles Tandor ne souriait plus du tout et avait même un regard horrifié.

- Quelqu’un est intervenu ? Il s’est fait embarquer, j’espère !

-Euh… en fait il s’est envolé dans les airs et a atterri cinq mètres plus loin, les fesses dans l’eau, puis il a pris ses jambes à son cou et a disparu comme une fusée.

Célima souriait jusqu’aux oreilles en racontant la scène qui sur le moment l’avait ébranlée et lui paraissait maintenant plutôt comique. Mais au lieu de répondre à son sourire, Charles avait perdu toute couleur ; son visage était livide.

-Où est ton collier ?

-Eh bien justement, il a cassé la chaîne en m’attrapant par le col, mais je l’ai récupérée.

Elle sortit le bijou de sa poche et le posa sur le bureau de son père.

-Il faudra juste faire réparer la chaîne et hop, je pourrai le remettre en moins de deux !

-Je dois avoir une chaîne qui traîne dans un tiroir, je vais y mettre la pierre et tu pourras la remettre tout de suite autour de ton cou.

-Il n’y a rien d’urgent papa, ça peut attendre demain ou même lundi !

Charles ouvrait tous les tiroirs de son bureau, visiblement en proie à une très grande agitation.

-Non non, ne t’inquiète pas, j’en ai pour une minute ! lança-t-il sans même lui jeter un coup d’œil.

Célima regardait son père d’un air dubitatif. Elle s’était attendue à sa tristesse, à sa déception, mais certainement pas à cette fébrilité proche de la panique. Tandis qu’elle l’observait avec incompréhension, elle sentit l’agacement la gagner. Elle souhaitait qu’il cesse de s’agiter dans tous les sens et qu’il lui dise enfin ce qui clochait.

Soudain, Charles sembla se figer sur place, à moitié baissé, la tête dans un tiroir, et Célima l’entendit pousser un petit cri de surprise.

-Papa ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu t’es fait mal ?

-Je crois qu’il va falloir qu’on discute un peu tous les deux… marmonna-t-il d’une voix étouffée, mais ma petite chérie, pourrais-tu te retourner une seconde s’il te plaît…

-Hein ?! Quoi ?! Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? interrogea Célima, interloquée.

-S’il te plaît, retourne-toi juste une seconde et après je répondrai à toutes tes questions, articula-t-il entre ses dents serrées.

Célima haussa les épaules en grimaçant et fit volte-face.

-Là ? C’est bon ?

-Oui c’est parfait. Merci ma puce. Maintenant remets ce bijou autour de ton cou et allons au salon, nous serons mieux pour discuter.

Il lui tendait la petite sphère d’obsidienne, enfilée sur une nouvelle chaîne. Sans un mot, Célima s’en saisit et obéit. Elle lut un grand soulagement dans le regard de son père quand la petite boule noire eut retrouvée sa place sur sa gorge et se demanda deux secondes si elle était entrée dans la quatrième dimension ! Depuis son agression tout à l’heure, tout semblait bizarre et c’était indubitablement lié à ce collier, qu’elle portait autour du cou depuis des années.

Elle suivit son père au salon et ils prirent place côte à côte sur le canapé de cuir. Charles Tandor posa une main sur le genou de sa fille et avec un soupir résigné, se mit à raconter :

-Ma chérie, tu viens d’avoir dix-sept ans et je ne t’ai pas vue grandir. Je pensais que j’avais le temps et que les choses pouvaient rester comme ça encore un moment, mais j’avais tort. Que ce soit à dix-sept ans ou à dix-huit comme je l’avais prévu, je pense que tu es prête à connaître la vérité et à l’assumer avec maturité.

-Je ne comprends pas un mot de ce que tu dis ! Quelle vérité ? C’est quoi cette histoire ?

Célima sentait une boule qui grossissait au creux de son estomac et elle s’aperçut que ses mains tremblaient.

-Toi et moi, Célima, nous n’appartenons pas à ce monde. Nous venons d’ailleurs, d’un monde dont personne ici ne connait l’existence. Et nous sommes différents des gens d’ici, nous possédons des pouvoirs qu’ils n’ont pas.

-Mais bien sûr ! On fait partie du SGC, à moins qu’on soit des aliens. Et on a franchi la porte avant ou après ma naissance ?

-Je ne plaisante pas, Célima. Je sais que ça doit te paraître complètement dingue, mais nous venons réellement d’un autre monde, un monde qui s’appelle Féériana et que nous partageons avec d’autres créatures qui risquent de te surprendre un peu…

Célima était muette de stupeur. Elle fixait Charles avec incrédulité et pensait « ça y est, mon père a pété un plomb ! » et « je suis en train de rêver et quand je vais me réveiller, je serai morte de rire ! »

-Ma mère est une demi-fée et ma grand-mère la reine du royaume du Korrlans, le pays des fées, des korrs, des teuzs et autres gnomes. C’est grâce à elles que nous sommes ici toi et moi.

-Des fées ! Des gnomes ! Mais pourquoi pas des elfes aussi tant qu’on y est ! Et puis les nains, les orques et les hobbits ! Sans oublier l’anneau !!

-Non Célima, ce n’est ni une blague ni une histoire, mais la réalité. Et, oui, tu as également des elfes parmi tes ancêtres, mais pas de nain. En tout cas pas que je sache. Quant aux orques et aux hobbits, désolé, on n’en trouve pas à Féériana. Par contre, il y a aussi des licornes qui sont d’une grande sagesse, et des amazones, comme l’une de tes ancêtres. Bon, il y a bien aussi les loups-garous de l’île de Gom, toutefois on évite de les fréquenter ; tu dois te douter pourquoi ! Le royaume dont nous venons est Alicania donc nous sommes des alicans. Nous étions des hommes et des femmes ordinaires, à l’origine, comme ceux qui peuplent la Terre, mais à force de mélanges entre les races, nous avons fini par hériter, pour certains d’entre nous, des pouvoirs de nos ancêtres à l’essence magique.

Charles scrutait le visage de sa fille, attendant sa réaction, mais à sa grande surprise, elle n’avait pas vraiment l’air de réagir à ces révélations pour le moins… inattendues !

En réalité la jeune fille était tellement abasourdie qu’elle était comme pétrifiée sur le canapé, incapable du moindre mot ou du moindre mouvement.

-Ne bouge pas, attends-moi là une minute. Je vais te montrer quelque chose qui t’aidera peut-être à mieux comprendre !

Célima hocha la tête, toujours muette de saisissement.

Charles se hâta vers son bureau d’où il revint quelques minutes plus tard en portant dans ses mains un objet enroulé dans un morceau de soie. Il posa le paquet sur la table basse et entreprit d’écarter les pans du tissu pour mettre à jour l’objet lui-même.

Célima eut un hoquet de surprise et de déception. C’était une petite pyramide de roche transparente, avec des inclusions de fumée grise. Très joli, mais rien d’exceptionnel ni de féérique !

-C’est avec ceci que nous sommes arrivés dans ce monde, toi et moi. Cette pierre permet de passer d’un monde à un autre et elle m’a été confiée par ma grand-mère qui a pris de très gros risques en me laissant l’utiliser et la garder auprès de moi. Elle contient toutes les connaissances et tous les secrets du Korrlans et elle ne doit surtout pas tomber entre de mauvaises mains ! C’est également ma grand-mère qui m’a remis la sphère d’obsidienne que tu portes autour du cou depuis que tu as eu six ans. Ce bijou bloque tes pouvoirs tant qu’il est en contact avec toi.

-J’ai des pouvoirs ? Tu comptais m’en parler quand ? Le jour de mes noces ? Et pourquoi les bloquer ? Ils auraient pu me rendre bien des services ! Et en plus tu ne m’as dit que des mensonges ; ce collier n’avait rien à voir avec ma mère comme tu me l’as raconté !

-C’est vrai que je t’ai beaucoup menti mais c’était pour te protéger. Aurais-tu accepté de le porter si tu avais su la vérité au sujet de ce collier ?

-Bien sûr que non !

-Et que crois-tu qu’il se serait passé ? Crois-tu que ce monde serait prêt à accueillir des gens comme nous ?

-Mais si tu m’en avais parlé, j’aurais pu faire attention !

-Tu étais bien trop jeune pour contrôler tes pouvoirs et comprendre pourquoi tu devais absolument le faire. Je comptais te dire la vérité à ta majorité afin que tu sois prête à assumer ton passé et à faire tes choix.

-Choisir entre quoi et quoi ? Tu ne m’as même pas dit pourquoi nous étions ici au lieu de voler avec les fées et les elfes ! Et maman, elle venait d’où, elle ?

Charles sourit tristement et sembla rassembler tout son courage pour continuer.

-Là, il va falloir que tu me pardonnes encore bien des mensonges, ma chérie.

-Quoi ?! Elle est vivante ! Tu m’as caché que ma mère était en vie !

Célima avait bondi sur ses pieds et regardait son père avec rage. Ses yeux lançaient des éclairs et il remercia silencieusement le ciel qu’elle ait son collier autour du cou.

-Non Célima, ta maman est bien morte, malheureusement. Mais elle n’est pas morte en te donnant le jour, elle a été… assassinée.

Un lourd silence tomba sur le salon. La jeune fille se rassit, hébétée, ne sachant plus que dire, ni que penser. Puis elle se souvint de toutes les fois où elle s’était sentie tellement coupable d’être vivante, de rire, d’être heureuse alors que sa mère avait perdu la vie en la lui donnant. Une puissante colère monta en elle, balayant tout sur son passage, en particulier l’amour profond qu’elle portait à son père et le souvenir de toutes ces années qu’il avait consacrées à veiller sur elle.

-Tu m’as laissée croire tout ce temps que maman était morte par ma faute ! Est-ce que tu as la plus petite idée du calvaire que c’est, pour une petite fille, d’endosser la responsabilité du décès de sa mère ?!

Charles voulut la prendre dans ses bras, mais elle le repoussa de toutes ses forces.

-Ma douce, je n’ai jamais voulu que tu te croies coupable de sa mort ! balbutia-t-il, mortifié. J’ignorais que tu te faisais de tels reproches ! Il n’y avait aucune raison… tu n’aurais pas été responsable même si…

-Je sais cela aujourd’hui, mais quand j’étais plus jeune, je me disais que tu devais me détester pour t’avoir pris celle que tu aimais…

-Oh, mon bébé, je suis tellement désolé ! C’est simplement le moyen qui me semblait le plus facile pour ne pas m’enliser dans d’autres mensonges encore plus compliqués et pour répondre à tes questions.

-Qui a tué ma mère ?

-Célima, il faut d’abord que je te parle un peu plus d’elle et de sa famille pour que tu comprennes. Ta mère, comme nous, appartenait au monde de Féériana, mais elle n’était pas n’importe qui. Elle était une descendante du grand roi Xandor Slilan’ich et elle était son héritière légitime au trône d’Alicania. Tu comprends ce que cela signifie ?

Célima médita un instant les paroles de son père.

-Elle était reine ? murmura-t-elle avec incrédulité.

-Non, pas reine, princesse héritière. Sa mère, la reine Mégala régnait encore quand ta maman est morte, mais elle devait lui succéder un jour. Et après la mort d’Avila, c’est son frère Xaril qui devint l’héritier du trône.

-Et mon grand-père, le roi ?

-Ton grand-père Marcus est décédé il y a bien longtemps, mais il n’était pas roi, il était prince consort. C’est ta grand-mère Mégala qui a hérité du trône à la mort du roi Alexior, son père. Elle était fille unique. À Alicania, comme dans beaucoup d’autres royaumes, c’est l’aîné qui hérite du titre, qu’il soit homme ou femme. C’est ainsi que ta maman devait devenir reine et non pas son frère Xaril. Je n’aime pas dire du mal des absents, mais je dois t’avouer que ton oncle Xaril n’est pas un personnage très sympathique. Il est envieux et obsédé par le pouvoir et il appréciait assez peu que sa sœur passe avant lui dans l’accession au trône.

-Qui a assassiné ma mère ? insista la jeune fille.

-Sincèrement Célima, je ne peux te donner de réponse formelle, même si je sais qui est l’homme qui l’a tuée: il se nommait Vénor Takan et n’était qu’un vulgaire tueur à gage, à la solde d’un personnage bien plus démoniaque. Mais je n’ai aucune preuve pour confondre celui qui a commandité le meurtre d’Avila.

- Tu as des soupçons ?

-Oui j’en ai, et même une quasi certitude. J’ai l’intime conviction que Xaril a payé Vénor Takan pour tuer sa sœur, mais je n’ai aucun moyen de le prouver. Quelques temps avant sa mort, Avila m’avait avoué qu’il lui faisait peur et après ta naissance, elle était même prête à renoncer au trône et à quitter Alicania avec moi et notre enfant pour te protéger de ses manigances. Nous avions organisé notre fuite et ma grand-mère avait accepté de nous aider. Je rentrais du Korrlans pour avertir Avila que tout était prêt : j’avais trouvé une agréable maison dans la Forêt Océane et il me tardait de vous y emmener toutes les deux. Mais j’ai trouvé Avila sans vie dans notre chambre au palais d’Alicania, un couteau enfoncé dans le cœur. J’étais anéanti ! Le drame venait juste de se produire car sa peau était encore chaude et je me reprochais de ne pas être arrivé à temps pour la sauver. Quand j’ai repris mes esprits, j’ai donné l’alerte, mais Xaril s’est débrouillé pour faire peser les soupçons sur moi. Je risquais d’être emprisonné d’un instant à l’autre quand Vénor Takan fut arrêté. Des témoins l’avaient vu fuir dans les couloirs du palais, couvert de sang. Il a avoué le crime, mais a refusé tout d’abord de nommer son commanditaire. Puis quelques jours avant sa condamnation, des amis vinrent m’avertir qu’il m’avait dénoncé et que j’allais être arrêté. Je t’ai prise avec moi et je me suis enfui au Korrlans où ma mère et ma grand-mère nous ont cachés le temps d’organiser notre passage et notre installation dans ce monde.

Les larmes roulaient sur les joues de Charles Tandor, alors qu’il revivait ces terribles évènements. Il les essuya du revers de la main, et, les yeux rougis, se tourna vers sa fille avec un sourire triste mais plein d’amour et de tendresse.

-Il était hors de question que je te perde toi aussi ! Tu étais tout ce qui me restait d’Avila et lorsqu’on l’a mise en terre, j’ai juré sur sa tombe que je te protégerais coûte que coûte… et que lorsque tu n’aurais plus besoin de moi à tes côtés, je reviendrais à Alicania pour la venger !

-Mais comment as-tu fait pour débarquer dans ce monde comme ça, sans existence légale ?

-Eh bien, grâce aux pyramides de quartz fantôme que nous avaient donné les dragons, nous…

-Les dragons ?!

-Ah oui ! J’ai oublié de te parler des dragons…


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