Elle a débarqué dans ma vie un après-midi d'hiver. Elle était venue s'asseoir à côté de moi sur le banc où je m'étais installé. Absorbé par la lecture d'un dossier, je n'avais pour ainsi dire même pas prêté attention à son arrivée.
Ce que j'ai découvert en premier d'elle a été son parfum. Ses effluves sucrées enchantaient mon odorat. C'est cette sensation exquise qui m'a donné l'envie de succomber à la curiosité de mettre une image sur cette douce fragrance.
Je crois qu'en la contemplant, j'avais presque été déçu. Le coup d'oeil que je lui avais jeté m'avait suffi à me faire une opinion d'elle. Emmitoufflée dans sa parka, un bonnet sur les oreilles, une grosse écharpe autour du cou, elle était armée contre les grands froids. Un contraste saisissant entre cette douce et sensuelle odeur qui émanait d'elle et son accoutrement d'esquimau. "Encore une que l'envie de plaire n'étouffe pas" avais-je même pensé.
Nous sommes restés près d'une heure assis côte à côte sans échanger un seul mot. A vrai dire, l'ayant trouvée si peu à mon goût, j'avais fini par en oublier sa présence. Au risque de passer pour un mufle, j'ai toujours eu un penchant prononcé pour les belles femmes et il était évident que celle-ci n'en était pas une donc je ne voyais aucun intérêt à me focaliser sur elle.
J'étais sur le point de m'en aller quand elle s'était adressée à moi. Surpris, je l'avais regardée. Elle me souriait tranquillement. Je voyais ses lèvres bouger mais impossible pour moi de comprendre ce qu'elle me disait. Quelque chose dans son regard m'hypnotisait et je ne parvenais pas à me ressaisir. Je devais avoir l'air malin, debout face à elle, incapable de prononcer une parole. Une petite voix dans ma tête me disait "Mais espèce d'abruti, fais quelque chose, dis quelque chose au lieu de rester là planté comme ça !"
Au prix d'un gros effort sur moi-même, j'avais réussi à extraire du fond de ma gorge un vague "Vous disiez ?". A cet instant, je m'étais trouvé tellement grotesque que je me demande encore par quel miracle, elle ne m'a pas ri au nez.
Mais non, toujours souriante, ne semblant s'être rendue compte de rien, elle avait replongé ses grands yeux dans les miens et d'une voix douce avait ajouté "Je voulais juste savoir si vous aviez l'heure."
Décontenancé par la banalité de sa question, j'avais bafouillé du mieux que je pouvais en triturant ma montre "Euh oui oui, seize heures trente mademoiselle." J'étais en train de passer pour un sombre crétin, cette pensée m'exaspérait. Moi d'habitude si à l'aise en toutes circonstances, je perdais mes moyens devant une parfaite inconnue. C'était à n'y rien comprendre.
"Mon Dieu, je suis en retard alors ! Bonne fin d'après-midi" l'avais-je à peine entendu dire. Le temps de réagir que déjà, elle s'était éloignée en courant.
Sans aucune raison apparente, l'image de cette femme m'est restée en mémoire. Elle, pourtant si différente de mon idéal féminin, je n'arrivais pas à la chasser de mon esprit. Qu'est-ce qui pouvait bien m'avoir plus chez elle ? Sa silhouette ? Non, elle la dissimulait trop pour parvenir ne serait-ce qu'à la deviner. Son sourire ? Certes, il était charmant mais pas de quoi pavoiser non plus. Son parfum ? Pas suffisant à mes yeux pour m'avoir fait perdre mes moyens.
Non, la seule chose plausible, c'était son regard mais de là à m'en être autant imprégné ...
Je m'étais décidé à en avoir le coeur net et j'étais retourné le lendemain sur le même banc, à la même heure. Peut-être allais-je la voir apparaître comme la veille et cette fois-ci, je m'étais promis de me montrer plus à mon avantage.
Mais elle n'est pas venue. J'ai attendu en vain. La déception a été vive.
Avec le temps, cette rencontre avortée a été rangée aux oubliettes. Parfois, je repensais fugacement à ce regard qui m'avait ensorcelé l'espace d'un instant mais mon orgueil bafoué prenait le dessus et je me hatais bien vite de chasser cette pensée.
Les mois ont passé, les conquêtes se sont succédées. Plus de place pour la jeune inconnue, plus de regrets.
Et par une douce après-midi d'automne, dans le reflet d'une vitrine, j'ai aperçu une silhouette qui ne m'était pas totalement étrangère. Je me suis retourné, l'air un peu abasourdi quand j'ai entendu :
"Vous avez l'heure s'il vous plaît ?"
Constance
Le 07 juin 2007 à 21:08
Sept
Le 08 juin 2007 à 07:57
LaetitiaP
Le 11 juin 2007 à 07:22
Destinée quand tu nous montres du doigt, la croisée des chemins n'est pas loin.
enigmus
Le 18 août 2007 à 01:54
Très bonne continuation à toi.
zoggdanoff
Le 15 avril 2008 à 13:25
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