Du trottoir à la terrasse d'un café, il n'y a qu'un pas.

Surtout lorsqu'une belle journée nous tend les bras.

Alors, je prends mon temps, je m'assois, loin de moi l'idée de trouver quelques proies.

Alors, je prends mon temps, je me détends, loin de moi l'idée d'observer les gens.

Et puis, je perds mon temps, j'attends, trop loin de moi ce serveur si distant.

Est-ce possible qu'il ne me voit pas, alors que mes yeux ne le lâchent pas.

Je souris faussement, j'attends, j'attends !

Mais ! Ils sont arrivés après moi ! Je maugrée ! Servis, ils le sont déjà !

Et puis soudain, j'existe ! Il me voit ! Il se dirige vers moi.

Il m'adresse un sourire que je reçois comme un soupir.

Ma bonne humeur a déjà commencé à croupir.

Un café, s'il vous plaît ! Dis-je en feignant la spontanéité d'une politesse bien apprivoisée.

Et là, me viennent à l'esprit de vilaines pensées, une soudaine et irrésistible envie de me moquer.

Alors je persifle, raille ! Un vrai champ de bataille !

Ce serveur a un nez plus que prononcé ! La nature ne l'a vraiment pas gâté !

A quel animal, me fait-il penser ? Un tapir ! Un tamanoir ! Un fourmilier !

De ressemblances en comparaisons, de stupidité en absurdité, je vais aller dans l'excès.

Personne ne peut m'en empêcher !

Je ne suis qu'une pensée, aucun mal je ne fais ! Ma bonne conscience est mon alliée.

Alors tout ce qui m'entoure devient prétexte à la moquerie, elle habite à présent mon esprit.

Je détaille les gens qui passent devant la terrasse de ce café.

Ils ne sont qu'imperfections et défauts à commenter.

Ah ! Si j'avais un complice avec qui partager ce soudain vice.

Mais attention ! Moqueur ! Moqué ! D'une minute à l'autre, tout peut basculer !

Il est maintenant temps de m'en aller. J'ai bu avec ivresse toute mon insensibilité.

Je suis rassasiée de ma méchanceté, je quitte alors la terrasse de ce café.

Je ne me retourne pas, je sais que sur moi, les langues vont se délier.

Les gens sont pleins de cruauté !

Singularité de la moquerie, de soi personne ne l'apprécie.

C'est une dure réalité. Même dotée d'une extrême beauté, on sera toujours caricaturé.

Et pourtant, très tôt on nous apprend à ne jamais se moquer des gens.

Mais qui ne s'est pas un jour retrouvé, attablé à la terrasse d'un café, à observer les bizarreries de la vie ? Qui ?

Ne nous leurrons pas, la réflexion naît de l'observation,

et nos pensées, nous ne pouvons les contrôler.

Alors, si vous ne voulez jamais frôler l'immoralité,

vos yeux et vos oreilles doivent être bouchés.

Attention ! Vous allez tomber du trottoir où vous marchez !

Et moi, assise à la terrasse d'un café, je vais sûrement me moquer !